Un saut d’index ? Le Luxembourg l’a fait

Comme en Belgique, l’indexation automatique des salaires fait débat au Grand-Duché. Faute d’accord entre partenaires sociaux, le gouvernement a imposé une seule indexation par an jusqu’en 2014.

Il ne reste que quatre pays au sein de l’Union européenne à appliquer le mécanisme d’indexation automatique des salaires : la Belgique, le Luxembourg, Chypre et Malte. Au Grand-Duché, la bataille sur la nécessité de maintenir ou non le système d’indexation automatique a repris de plus belle depuis que la crise économique et financière a frappé de plein fouet. Elle a même fait imploser le comité de coordination tripartite, un instrument de concertation réunissant les représentants de l’Etat, des entreprises et des salariés et qui a imprimé sa marque à la politique sociale luxembourgeoise depuis une trentaine d’années. Le fossé entre le patronat et les syndicats s’est creusé à un point tel que le modèle tripartite ne fonctionne plus, obligeant le gouvernement à se replier sur des négociations bipartites. Tandis que le patronat réclame depuis de nombreuses années l’abolition pure et simple – ou à défaut une modulation – du système d’indexation, les syndicats s’y opposent avec fermeté, considérant que toute modulation s’apparente à une manipulation érodant le pouvoir d’achat des salariés.

Face à la persistance d’une inflation élevée, dépassant la moyenne des pays de la zone euro, le gouvernement luxembourgeois a lancé en 2011 un nouveau tour de table tripartite. Mais l’échec était programmé, tant les positions des partenaires sociaux s’étaient éloignées. Assis entre deux chaises, le gouvernement a dû trancher : il a adopté un projet de loi – voté fin janvier au Parlement – qui retient que la prochaine tranche indiciaire sera reportée en octobre 2012 et que les adaptations éventuelles auront lieu au maximum une fois par an jusqu’en 2014 inclus. Dans le même temps, le gouvernement a décidé de retirer le tabac et l’alcool du panier des produits entrant dans le calcul de l’indexation. Quant aux produits pétroliers, il souhaite instaurer un seuil à partir duquel la hausse des prix n’aura plus d’effet sur l’indexation des salaires. Faute d’un accord avec les partenaires sociaux, il fera là aussi cavalier seul.

Plusieurs réformes

Au Luxembourg, le premier système d’échelle mobile des salaires indexé sur l’évolution des prix à la consommation date de 1921 ; il fut introduit à l’époque pour relever le niveau de vie des fonctionnaires et des cheminots. L’indice des prix a été soumis ensuite à plusieurs réformes, parmi lesquelles la loi de 1972 fixant la tranche indiciaire à 2,5 % et celle de 1975 généralisant l’échelle mobile à l’ensemble des salaires et traitements.

Depuis, le découplage des salaires par rapport aux prix ne s’est produit qu’en des circonstances exceptionnelles, notamment en 1982 à la suite de la dévaluation du franc belgo-luxembourgeois. En 2008 et 2009, le paiement de la tranche indiciaire fut décalé de deux mois, la hausse des prix des produits pétroliers ayant accéléré le rythme de l’inflation. Le gouvernement avait négocié cet étalement en arguant que le budget de l’Etat, déficitaire en période de crise, ne pouvait supporter des hausses indiciaires rapprochées. Les syndicats, qui avaient signé ce compromis, se sont toutefois sentis floués en apprenant par la suite que les recettes de l’Etat étaient supérieures aux prévisions. Le patronat, au contraire, n’a cessé de pointer du doigt le déficit budgétaire existant, insistant que l’indexation automatique était un poison pour la compétitivité des entreprises.

LAURENT MOYSE

L’inflation au Grand-Duché dépasse la moyenne de la zone euro

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