Bruxelles, son Atomium, sa Grand-Place, son piétonnier… et son port ! On l’oublie souvent, mais notre capitale renferme le deuxième port intérieur belge. Bien qu’historique, ce site industriel confirme de plus en plus son statut de solution d’avenir pour la ville.
Aux origines il y avait la Senne, aujourd’hui il y a le canal. De tous temps, la ville de Bruxelles s’est développée autour de l’eau et, même si la zone du canal a quelque temps été délaissée, le port a quant à lui toujours joué un rôle économique majeur au sein de la capitale. Bien qu’au niveau de sa superficie (une centaine d’hectares) il soit l’un des plus petits du continent, le port de Bruxelles est le deuxième port intérieur le plus productif d’Europe après Bâle.
Et pour cause : il est un important fournisseur de matériaux de construction dans une ville toujours en chantier. Ce secteur représente à lui seul 62,2 % des marchandises qui ont transité par le port en 2014, suivi par les produits pétroliers (23, 4 %) qui alimentent une bonne partie des stations-services de la région à raison de deux à trois bateaux par jour. Le port voit aussi transiter d’autres marchandises telles que des denrées alimentaires, des produits agricoles, des minerais et ferrailles, etc. Cette activité engendre plus de 12 000 emplois directs et indirects grâce aux quelque 350 entreprises (y compris des PME) installées sur le site du port. Au-delà du nombre, c’est la nature des emplois qui s’avère particulièrement intéressante. Dans une ville désormais dominée par les services, le port de Bruxelles offre en effet des postes manuels et industriels – parfois aussi très qualifiés – et assure donc une certaine diversité d’emploi.
Au-delà de son rôle économique, le port de Bruxelles apparaît aussi de plus en plus comme un acteur du développement durable. En faisant transiter 6,7 millions de tonnes de marchandises par voie d’eau en 2014, il a soustrait 625 000 camions de la circulation autour de la capitale, et évité l’émission de 97 000 tonnes de CO2. A l’avenir, ces chiffres pourraient encore gonfler étant donné que le port a la capacité de tripler sa circulation actuelle.
Rationnaliser les transports
L’enjeu du port au sein de la capitale est cependant encore plus vaste. » La population mondiale augmente, et cela signifie que les gens vont de plus en plus vivre en ville, souligne Philippe Matthis, directeur général adjoint du port de Bruxelles. Or, les études démontrent que les villes qui possèdent un port sont généralement celles qui s’en sortent le mieux, car la distribution des marchandises est essentielle. Aujourd’hui, il n’est cependant plus seulement question de business : les ports doivent cesser d’être repliés sur eux-mêmes et s’intégrer au mieux dans la ville pour pouvoir y rester et s’y développer. »
Cette nécessité est d’autant plus vraie à Bruxelles, où le port est situé au coeur du tissu urbain et où les possibilités d’extension sont donc restreintes. De plus, il appartient majoritairement à la Région et à la Ville de Bruxelles, ce qui signifie qu’il ne peut pas s’étendre en territoire flamand ou même wallon. Heureusement, le port travaille aujourd’hui en bonne harmonie avec les autorités publiques, comme en témoigne le fameux plan canal, mais aussi le fait que, pour la première fois, le ministre de tutelle du port n’est autre que Rudi Vervoort, ministre-président de la Région de Bruxelles-capitale.
» La mise en relation du port et de la ville se fait de diverses manières, précise Philippe Matthis. Plusieurs projets -comme le parc régional au bassin Vergote – vont par exemple ouvrir la vue sur le canal et permettre aux citoyens d’accéder aux berges. La création d’un terminal croisière pour les passagers va quant à elle amener encore plus de gens à Bruxelles et favoriser le tourisme, car cet arrêt sera bien évidemment relié au centre-ville. Plus indirectement, le port peut aussi aider à résoudre des problèmes comme le logement en faisant venir des entreprises le long du canal et en libérant ainsi des espaces en centre-ville. »
Le port de Bruxelles a dans ses cartons la création d’un terminal roll-on roll-off pour les voitures, ce qui devrait permettre de délocaliser l’activité d’export de véhicules d’occasion actuellement concentrée dans le quartier Heyvaert à Molenbeek-Saint-Jean. Ce terminal devrait aussi permettre de remplir un autre objectif du Port de Bruxelles : limiter le nombre de bateaux qui repartent à vide. La capitale important beaucoup plus de marchandises qu’elle n’en produit, un déséquilibre s’est en effet créé. Le port a néanmoins déjà trouvé des solutions partielles à ce problème et fait repartir par bateau des déchets et vidanges dans le but de rationnaliser et rentabiliser au mieux les transports.
Cette logique responsable va encore plus loin, puisque le port s’est donné pour mission d’amener les marchandises au plus près de leur destination finale par l’intermédiaire de transports ayant un faible impact sur l’environnement – comme le train ou les tricycles. Dans cette optique, le projet LaMilo (Last Mile Logistics) mis en place au sein du centre TIR du port propose un approvisionnement flexible et durable des commerces locaux, ce qui limiterait les poids lourds en ville. Preuve qu’aujourd’hui, les responsabilités et l’impact du port dépassent largement les limites de ses quelque 100 hectares…
Par Marie-Eve Rebts