Un malade nommé Mozart

L’enfance du célèbre Amadeus a été marquée par les voyages, la créativité, la popularité… et les maladies. Voici, par la directrice adjointe du musée de la Médecine, à Bruxelles, l’itinéraire d’un génie fragile

En 1762, lorsque Léopold Mozart décide de partir en tournée avec femme et enfants, Wolfgang n’a que 6 ans mais il est déjà un prodige. Sur son parcours hors norme, beaucoup a déjà été écrit. En revanche, on entend moins le récit des historiens qui racontent comment toute la vie du musicien, dont on célèbre cette année les 250 ans de la naissance, a été ponctuée par des combats contre les maladies.

Dès 6 ans, Amadeus (traduction latine de son prénom Wolfgang) contracte un érythème noueux : les médecins diagnostiquent, à tort, une scarlatine. Pour l’époque, cette erreur est compréhensible. Elle ne porte d’ailleurs pas trop à conséquence, puisque, en l’absence de traitements antibiotiques, qui n’existent pas encore, ces deux infections streptococciques ne peuvent guérir que spontanément.

L’année suivante, le jeune Mozart est atteint à deux reprises de poussées de fièvre, identifiées désormais comme la conséquence d’un rhumatisme articulaire aigu, pouvant être la suite d’une infection par un streptocoque mal soigné. En tout cas, le patient souffre énormément : les douleurs articulaires sont sans doute de courte durée mais très aiguës et difficiles à supporter pour un enfant de 7 ans. Ce mal le touchera à nouveau à 10 ans alors qu’entre-temps il contracte une autre affection caractérisée par un tableau évoquant… une fièvre typhoïde. Fièvre élevée, céphalées, troubles digestifs et crampes abdominales terrassent le petit pendant plusieurs semaines.

A 11 ans, le voilà frappé par la variole. Cette maladie l’afflige temporairement de cécité et de polyarthralgies et lui laisse des cicatrices cutanées irréversibles. Lors d’une tournée en Italie, en 1771, sa s£ur rapporte également qu’il a été atteint d’un mal lui conférant le teint jaune. Le manque de détails sur les autres symptômes ne permet pas de déterminer avec précision la nature de cette maladie.

L’enfance d’Amadeus balance ainsi entre maladies, voyages et popularité. Son succès grandissant et son talent reconnu dans toute l’Europe obligent le jeune Mozart à affronter simultanément le travail et la douleur. En juillet 1778, suite au décès de sa mère, le jeune homme devient sombre et déprimé. Une année plus tard, séjournant chez la famille Weber lors d’un voyage, il tombe amoureux d’une de leurs 4 filles, la belle et talentueuse chanteuse Aloysia. Il souffrira encore en s’apercevant qu’elle ne s’intéresse qu’à sa musique. A 25 ans, il quitte définitivement Salzbourg pour s’installer à Vienne et épouse Constanze, la plus jeune des s£urs Weber.

Mozart travaille à la cour de Joseph II. Bien qu’il ne soit pas très fortuné, le jeune couple s’installe dans un luxueux appartement et vit successivement des périodes de dénuement et de grande aisance. A partir de 1788, la situation se dégrade fortement, obligeant le musicien à aller solliciter des prêts. Amadeus n’est pas un homme économe et Constanze souffre d’une maladie chronique l’obligeant à faire de nombreuses et coûteuses cures thermales. La conjoncture s’améliore finalement dès 1790 alors que la santé des époux commence épisodiquement, mais sérieusement, à se détériorer.

C’est durant cette période que la lassitude s’installe chez le compositeur. Plusieurs signes de maladies sont évoqués dans des lettres, comme dans celle que Constanze adresse à son père, en 1783. Elle y parle d’une grave maladie pour laquelle il a été saigné, la saignée constituant un des principaux  » remèdes  » de l’époque. Durant l’automne 1784, Mozart se plaint de fortes coliques. Sigmund Barisani, son médecin et ami, diagnostique une fièvre rhumatismale – plutôt rare à 28 ans ! En 1797, Barisani fait encore allusion à une autre maladie grave, mais il ne donne aucun indice permettant son identification. Cette année-là, lorsque Léopold Mozart décède à l’âge de 68 ans, un grand choc émotionnel frappe le compositeur qui n’a pas eu le temps de dissiper tous les différends qui l’opposaient à son géniteur.

Un état alarmant

Au cours de l’année 1791, l’état de santé du compositeur devient alarmant. En août, à Prague, il est décrit comme un malade au teint pâle, prenant constamment des médicaments. A plusieurs reprises, il est vu en larmes et sa santé mentale est mise en doute.

En automne, alors qu’il souffre régulièrement de maux divers, il fait part à Constanze de sa crainte d’avoir été empoisonné. Le 20 novembre, il gagne définitivement son lit. L’artiste meurt le 5 décembre. Son acte de décès donne comme la cause officielle de sa mort une  » fièvre militaire aiguë « . En réalité, les médecins d’alors disposent de bien peu de moyens pour déterminer la raison exacte d’une fin de vie…

Souvent avancée, la thèse d’un empoisonnement est probablement à écarter pour de bon. Mais la clarté n’est pas faite sur l’affection qui a emporté Mozart. Un rhumatisme articulaire aigu, une crise d’urémie, une trichinose, un syndrome de Henoch-Schoenlein (une atteinte des petits vaisseaux) ou un syndrome de Sjögren (une maladie auto-immune) ? Toutes ces hypothèses ont été évoquées.

Ce que l’on sait, c’est que depuis l’automne, le virtuose ressentait langueur et douleurs dans les lombes. Son teint était très pâle, il était régulièrement saisi d’un froid qu’il ne pouvait expliquer. Durant ses deux dernières semaines, le virtuose a souffert de mains et de pieds enflés, ses mouvements ont été terriblement restreints, il a été victime de coliques et de crises de vomissements. Les saignées et les cataplasmes froids sur les tempes, prescrits par les médecins, ont probablement accéléré une fin proche.

Mais de quoi est-il donc mort ?

En l’absence de signe de purpura, qui accompagne toujours cette maladie, l’hypothèse d’un syndrome de Henoch-Schoenlein est peu vraisemblable. Quant à la maladie de Sjögren, elle s’associe à une sécheresse des yeux et de la bouche qui n’a jamais été évoquée. Toutefois, on peut supposer que le gonflement des pieds et des mains aurait été une conséquence d’une rétention d’eau due à une complication rénale, qui peut être associée à ce syndrome. Quant au rhumatisme articulaire aigu, il est d’une extrême rareté à l’âge adulte. Faute d’éléments supplémentaires, on ne sait donc toujours pas de quoi est mort l’auteur du Requiem inachevé

Diana Gasparon

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