Un jeu pour lutter contre la faim
Le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) lance un jeu vidéo éducatif pour sensibiliser les jeunes à la lutte contre la faim dans le monde. Si l’idée est bonne, sa concrétisation l’est moins
En 2002, l’armée américaine frappait fort ! Surfant sur la vague des jeux de guerre à la première personne (une vue suggestive donne l’impression au joueur d’être le personnage qui agit à l’écran), la grande muette américaine sortait America’s Army. Plus réaliste que ce que l’on avait pu voir jusque-là sur l’écran d’un ordinateur, le jeu permettait de se glisser dans la peau d’un GI. Aux quatre coins du monde, le joueur participait alors virtuellement à la libération d’otages séquestrés par des » éléments hostiles « . Particularité de ce divertissement pas comme les autres : il fallait absolument s’inscrire sur le site de l’armée américaine pour pouvoir y jouer. Celle-ci ne s’en cachait pas : America’s Army cherchait d’abord à attirer les jeunes vers la carrière militaire.
Quatre ans plus tard, les responsables du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) suivent la même démarche avec Food Force (1), le premier jeu vidéo humanitaire sur la faim dans le monde conçu pour les jeunes de 8 à 14 ans. » Pour communiquer aujourd’hui avec les enfants, il faut utiliser les dernières technologies, explique Neil Gallagher, directeur de la communication du PAM. Food Force va permettre, sous une forme ludique et dynamique, de stimuler l’intérêt des jeunes et de les informer sur la faim, un fléau plus ravageur que le sida, la malaria et la tuberculose réunis. »
Après une installation sans anicroche, le jeune joueur intègre une équipe humanitaire de choc prête à intervenir sur l’île imaginaire de Sheylan. A coups d’animations 3D en plein écran, l’apprenti urgentiste reçoit une courte formation sur les différentes opérations préparatoires à une intervention sur le terrain. Ensuite, il est invité à prendre les commandes d’un hélicoptère pour tenter d’estimer les populations à secourir. En fait de survol, il s’agit plutôt, à l’aide à la souris, de déplacer un petit hélicoptère sur une carte qui indique les habitants dans le besoin au moyen de petits points. On a connu plus passionnant… Comme le jeu a déjà rencontré un franc succès dans les pays anglo-saxons – plus de 4 millions de téléchargements selon le PAM -, on se dit que les choses vont s’améliorer par la suite. Malheureusement, il n’en est rien. La scène suivante, dans laquelle le joueur doit composer une ration alimentaire équilibrée au coût le plus bas, frise le ridicule. Au hasard, on y jongle avec des curseurs pour équilibrer les contenus des rations en lipides et en glucides. Quoi qu’on fasse, on finit toujours par trouver le bon équilibre. Arrivé à ce stade du jeu, il faut être bougrement pugnace pour poursuivre l’aventure humanitaire.
Devant tant de pauvreté ludique, on en vient à s’interroger sur ce programme. Food Force constitue probablement un excellent outil pédagogique pour les enseignants qui souhaitent aborder la problématique de la malnutrition avec leurs élèves. Trop verbeux et pas assez récréatif, il est, par contre, l’antithèse d’un bon jeu. La chose étonne quand on sait que c’est Ubisoft – créateur de plusieurs grands succès comme Rayman, Splinter Cell ou encore Prince of Persia – qui en a assuré le développement. Habitués aux gros budgets, les informaticiens de l’éditeur français semblent avoir manqué d’imagination pour compenser les moyens mis à disposition par le PAM. » Selon Ubisoft, un jeu vidéo commercial coûte en moyenne 10 millions d’euros, confie Ludovic de Courtivron, du bureau de liaison du Pam à Paris. La version originale anglaise de Food Force, lancement compris, a requis 300 000 euros. Toutes les autres versions ont été réalisées et lancées grâce au soutien de partenaires dans les pays respectifs. Un autre jeu sur l’aide humanitaire – et non une suite -, pour adultes cette fois, est déjà à l’étude. » Espérons que les développeurs d’Ubisoft seront, cette fois-ci, mieux inspirés. La cause en vaut la peine…
(1) La version française (PC/MAC) de Food Force peut être téléchargée gratuitement sur le site www.food-force.fr.
Vincent Genot
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