Un dossier gênant pour la Ville de Mons ?

Mais que se passe-t-il à la Régie communale de Mons ? Excédents de subsides non remboursés, sursalaires, absence de comptabilité correcte pendant quatre ans, trou budgétaire de 800 000 euros… L’opposition CDH, et surtout Ecolo, tire à boulets rouges.

Depuis 1995, la loi autorise les communes à créer en leur sein une Régie communale autonome (RCA). Objectif : leur faire gagner de l’argent. En effet, ces régies, dont la personnalité juridique propre leur permet de s’aventurer dans des activités commerciales, peuvent récupérer la TVA à laquelle elles sont assujetties. Leur seul bailleur de fonds est la commune, à laquelle elles sont liées par un contrat de gestion. Depuis le début des années 2000, Mons a profité à fond du système, d’autant que les RCA peuvent créer des filiales. C’est un outil très utile. Lorsqu’il est bien géré. On se souvient à Charleroi, en 2011, le nouveau super-manager wallon s’était étranglé en découvrant un trou de 1,2 million d’euros dans les comptes de la RCA carolo.

A Mons aussi, désormais, on peut se demander si la RCA ne fait pas perdre de l’argent à la Ville. En effet, la Régie communale autonome montoise semble avoir été l’objet d’une gestion pour le moins hasardeuse. Tout d’abord, elle est restée sans comptabilité digne de ce nom pour les années 2009 à 2012. Or, le bureau montois d’Ernst & Young, avec qui la RCA avait un contrat, était censé s’occuper des comptes. Ensuite, dans un rapport datant de fin 2014, le réviseur RSM-InterAudit constate que la Régie a une dette envers la Ville de plus de 2 millions d’euros. Il s’agit d’un excédent de subsides versés, en 2009, dans le cadre de la construction de la piscine du Grand Large. Le rapport du réviseur souligne bien qu’il s’agit de subsides dédiés et  » non de subsides à l’investissement « . Ils doivent donc être remboursés.

Le problème est que les liquidités de la RCA, sur son compte courant, s’élèvent à 785 000 euros. Elle est donc incapable d’honorer sa dette. En grattant dans les papiers, le réviseur a établi que la RCA accusait un trou de plus de 800 000 euros dans son budget de fonctionnement ordinaire. C’est surtout depuis 2010 que le déficit s’est creusé car, cette année-là, les coûts de fonctionnement ont subitement augmenté de 60 %. Et le niveau n’a pas baissé les années suivantes. Pourquoi une telle hausse ? Les frais d’expertise juridique ont soudain explosé.  » Mais aussi, des compléments de salaire ont été octroyés de manière incompréhensible « , relève la conseillère écolo Catherine Marneffe.

Explication : la RCA, qui n’emploie qu’un plein-temps, bénéficie en outre des services experts du chef de la Régie foncière et du chef des travaux de la Ville. En tout, depuis 2009, pour ces deux hauts fonctionnaires, 36 000 euros leur sont versés annuellement en complément du salaire qu’ils touchent déjà à la commune, où ils exercent un plein-temps. A cela s’ajoutent des chèques-repas. Ils en perçoivent donc deux fois, à la Ville et à la RCA. Ecolo dénonce qu’on ait décidé ces compléments de revenus en l’absence de comptabilité et alors qu’une  » gestion quotidienne désastreuse  » menait à un trou important dans la caisse. Au dernier conseil communal, le CDH, lui, s’est étonné qu’on ait affecté les excédents de subsides au paiement de frais de fonctionnement.  » Est-ce bien légal d’utiliser un budget extraordinaire pour financer de l’ordinaire ?  » s’est demandé le conseiller Guillaume Hambye, notaire à Mons.

Prudence du MR

A la séance du conseil du 28 avril, l’opposition a, dès lors, refusé d’avaliser les comptes 2004 à 2014 de la RCA. Le MR, qui siège dans la majorité, s’est très prudemment abstenu.  » Nous n’avions pas à voter, explique Georges-Louis Bouchez, échevin des Finances. Il s’agissait d’une prise d’actes. Ces comptes sont adoptés par le conseil d’administration de la Régie. Ce sont les administrateurs qui doivent en prendre la responsabilité. Quant à savoir si on a utilisé du budget extraordinaire pour de l’ordinaire, je n’ai actuellement aucun élément pour le dire. Mais, si c’est le cas, ce serait illégal.  » Même réserve à la RCA, où les administrateurs MR ont voté pour le complément de salaire du chef de la Régie foncière, en 2009, mais contre celui du chef des travaux, plus tard, sans en faire pour autant un incident. Il y a clairement un malaise.

Plus loyalement vis-à-vis du collège, Bouchez nuance :  » L’échevin actuel de la RCA, Marc Darville, a le mérite de mettre de l’ordre dans tout ça, désormais.  » Il est vrai que l’édile socialiste a hérité d’une situation qu’il n’a pas créée lui-même. Et il doit solidement ramer pour remettre la barque à flot et contrer les vagues de critiques de l’opposition. Il insiste d’abord sur l’aspect légal :  » Les subsides excédentaires n’ont pas été inscrits en produits au compte de résultats, en regard des comptes annuels. On ne peut donc pas conclure que lesdits subsides ont été utilisés à d’autres fins « , martèle-t-il. Et d’ajouter :  » De toute façon, il n’y a pas de budget ordinaire et extraordinaire à la RCA. La Régie reçoit une dotation de la Ville pour assurer ses missions.  »

Cela permet d’ailleurs à Marc Darville de déclarer qu’il y a eu un manque de dotation à la RCA de 800 000 euros jusqu’en 2014 et que cela va être réglé prochainement. En d’autres termes, la Ville bouche le trou, sans discuter. Très pratique. Quant à la hausse de 60 % de frais de fonctionnement, l’échevin la justifie par deux gros dossiers de récupération de TVA (dont celui de la nouvelle tribune du stade Tondreau) qui ont nécessité le recours à des avocats spécialisés, et ce alors que le chef de la Régie foncière est lui-même juriste. Pour les compléments de salaires, il rappelle qu’Ecolo n’avait pas fait de scandale au sein du conseil d’administration quand il s’est agi de les avaliser. Les Verts n’ont cependant pas voté pour.

Reste le problème de l’absence de comptabilité. Des honoraires ont été payés à Ernst & Young. Plusieurs dizaines de milliers d’euros. S’il y a eu défaillance du prestataire de services, ne faut-il pas lui réclamer un remboursement ?  » Je n’ai pas encore tous les éléments « , affirme l’échevin. De son côté, dans un courrier de juin 2011, Ernst & Young se plaint que, malgré tous ses  » efforts de réclamation « , les documents financiers demandés à la RCA pour finaliser la comptabilité ne sont toujours pas arrivés… Qui était défaillant ? Le comptable ? Ou la Régie ? Autre souci en vue : dans un mail récent à la RCA, l’ONSS annonce que son prochain contrôle s’attardera  » de manière approfondie  » sur la problématique des chèques-repas !

Avec tous ces éléments, Ecolo a introduit un recours en annulation de plusieurs décisions de la Régie et du conseil communal de Mons auprès du ministre wallon des Pouvoirs locaux, Paul Furlan (PS). Les Verts montois étaient échaudés de voir leurs questions rester sans réponses au sein de la RCA et du conseil communal, ces derniers mois. Selon un observateur averti, l’explication est simple : il a sûrement fallu du temps pour négocier une solution au sein du collège, à savoir les 800 000 euros de dotation qui vont miraculeusement renflouer les caisses de la Régie autonome.

Sans compter que le prédécesseur de Marc Darville à l’échevinat de la RCA, Achile Sakas, est socialiste et toujours échevin (Etat civil, Population) dans l’actuel collège. Au PS, on lave son linge sale en famille.  » Je ne suis pas là pour critiquer mes prédécesseurs, lâche Marc Darville. Chacun sa méthodologie de travail.  » Il est vrai qu’Elio Di Rupo a horreur qu’on parle négativement de la Ville. Il est servi.

Par Thierry Denoël

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