Tout Belge aspire à acquérir un jour son toit. Et même si, de plus en plus souvent, il revend ses murs pour en occuper d’autres, ce genre de transaction reste capital. Raison de plus pour le faire dans les meilleures conditions. Pour les notaires, un délai de réflexion ajouterait davantage de sécurité juridique. » Pas d’accord ! » rétorquent les agents immobiliers.
La Fédération royale du Notariat belge propose qu’un délai de réflexion soit prévu lors de l’achat d’une maison. Nous estimons, au contraire, qu’une telle mesure serait source de problèmes « , lâche tout de go Luc Machon, le nouveau président de l’Institut professionnel des agents immobiliers (9 000 membres).
Ces deux-là, pour l’instant, sont rarement sur la même longueur d’onde en matière de marché immobilier, le second reprochant au premier de grignoter sa part de gâteau. Un récent arrêt de la cour d’appel de Mons rendu contre un notaire de Feluy n’a rien arrangé. Par extension, il exclut quasi le notariat du marché immobilier de la vente de gré à gré.
Cette fois, la proposition des notaires vise pourtant à prévenir des écueils vécus de façon récurrente sur le terrain. Mais elle est démontée point par point, au nom de ses collègues, par le président de l’IPI. Qui se dit en phase avec sa ministre de tutelle, Sabine Laruelle (MR).
» Le compromis actuel suffit largement ! «
Le risque, pour l’acquéreur, invoqué par les notaires, de ne pas obtenir de crédit pour l’achat d’un bien ? » Les compromis de vente contiennent déjà pour la plupart des conditions suspensives d’obtention d’un prêt hypothécaire « , rétorque Luc Machon.
La possibilité pour l’acheteur d’examiner minutieusement tous les aspects de son achat, et notamment certains documents administratifs (droits de préemption, conformité de l’installation électrique, attestations de sols…) à fournir préalablement à la signature de l’acte ? » Ici aussi, des clauses suspensives peuvent être prévues dans le compromis de vente « , répète le secrétaire général, qui annonce à ce propos que l’IPI diffusera, dès janvier prochain, un contrat type à l’attention de tous ses agents.
Luc Machon, qui estime que la mesure suggérée par les notaires crée de l’insécurité juridique au lieu de la réduire, accuse la Fédération des notaires de rouler contre les vendeurs de biens. » Les candidats acquéreurs fantaisistes seront de plus en plus nombreux. Pensant pouvoir disposer d’un délai de réflexion pour revenir sur leur décision d’acquisition, ils bloqueront tout aboutissement des transactions dans un délai raisonnable, alors que ce délai s’est déjà fortement allongé l’an dernier avec la crise. En outre, si le vendeur est lui-même sur le point de se chercher un autre toit, l’effet retard fera boule de neige « , prévient-il.
» Faux et archifaux ! » rétorque-t-on du côté de la Fédération des notaires. Où l’actuel président, Bart Van Opstal, persiste et signe : » L’instauration d’un délai de réflexion n’est pas la porte ouverte à la multiplication des candidats fantaisistes et à l’allongement des transactions. Pour la simple et bonne raison que, sauf arrêt dûment motivé, au terme du délai de réflexion, le compromis sera d’office contraignant pour l’acheteur. Nous ne visons donc, avec notre proposition, qu’un renforcement de la sécurité juridique en amont de l’acte. Or nous notons, dans les études, un nombre croissant d’annulations de compromis, ceux-ci étant de moins en moins sûrs. Raison pour laquelle, à l’invitation des membres de notre fédération réunis lors de notre dernier congrès national, nous demandons de fixer un délai de réflexion d’un mois durant lequel l’acheteur potentiel pourra réunir toutes les pièces administratives nécessaires visant à conforter juridiquement la transaction. «
Comme en France et aux Pays-Bas
Bart Van Opstal nie également tirer la couverture du côté de l’acheteur, arguant que le notaire est contraint par la loi de respecter les intérêts et les droits des deux parties lors de tout acte. Il renvoie d’ailleurs aux modèles néerlandais et français, qui ont déjà inscrit dans les législations le délai de réflexion lors de l’achat d’un bien immobilier.
Philippe Coulée