Un concerto qui  » casse les moules « 

Son toucher et sa personnalité captent l’attention dès les premières mesures. Jean-Efflam Bavouzet possède une virtuosité tout en séduction qu’il nous dévoilera à Bozar dans son interprétation du Concerto pour piano n° 4, l’une des pépites beethovéniennes.

Son prénom singulier, le pianiste le doit au saint breton Efflam qui aurait aidé, au Ve siècle, le roi Arthur à vaincre le dragon. Né en 1962 en Bretagne, Jean-Efflam Bavouzet a été choyé, à ses débuts, par Sir Georg Solti, l’un des génies de la direction d’orchestre du XXe siècle et dont il a été la dernière découverte avant sa mort en 1997. Au sommet d’une carrière internationale qui le mène dans les salles les plus prestigieuses de la planète, de Londres à Boston, en passant par Sydney et Berlin, il révèle aujourd’hui un potentiel artistique hors du commun.

Le Vif/L’Express : Qu’est-ce qui vous séduit dans ce Concerto n° 4 de Beethoven ?

Jean-Efflam Bavouzet : Les cinq Concertos sont des chefs-d’oeuvre. J’ai un faible pour les deux premiers, mais, selon moi, le quatrième est le plus aimé pour une raison simple : il casse les moules. Quand on écoute les nos 1, 2 et 3, le quatrième sort du lot. C’est une oeuvre tout à fait révolutionnaire sur le plan formel car elle commence par une introduction au piano solo ce qui était très rare à l’époque. Il y a aussi ce deuxième mouvement lent où le piano très doux et très inspiré s’associe à la puissance des cordes. C’est un peu comme un dialogue de sourds, sans jeu de mots, l’orchestre et le pianiste sont dans leurs mondes respectifs et puis se rejoignent dans une réconciliation finale qui est d’une beauté à faire pleurer les pierres. Il n’y a pas beaucoup d’exemples de musique aussi poignante.

Vous êtes un fin connaisseur de Béla Bartók. Est-ce dû à votre familiarité avec la langue hongroise ?

Ma femme est hongroise. Mes deux filles parlent le hongrois, mais moi pas. Béla Bartók fait partie de ces rares compositeurs dont la musique est liée au folklore, hongrois en l’occurence, et extrêmement riche. Ecouter la langue hongroise et la côtoyer au quotidien permet en effet de comprendre les connexions rythmiques avec la musique. Il est vrai que cela m’a beaucoup influencé. Je pense que ce lien peut aussi s’appliquer au compositeur tchèque Janáèek. Mais de manière générale on ne peut pas affirmer, selon moi, que la maîtrise de la langue du compositeur permet une meilleure interprétation de ses oeuvres.

Vous êtes directeur artistique du festival de piano à Lofoten en Norvège. Quelles en sont les particularités ?

C’est au nord du nord ! Et c’est une histoire magnifique. Depuis quinze ans, il y a un très important festival de musique de chambre, de réputation mondiale. On m’a demandé de créer en son sein un festival de piano. Ils ont la concentration la plus incroyable de pianos Steinway, les plus prestigieux au monde, achetés par les églises locales et accordés par les spécialistes de la Philharmonie de Berlin, le plus grand orchestre du monde ! Le public vient de toute la planète, y compris d’Australie. L’édition 2016 aura lieu du 11 au 16 juillet et nous aurons des stars comme Nelson Freire, Bertrand Chamayou et l’Argentine Ingrid Fliter, grande spécialiste de Chopin. Il fait jour tout le temps, on peut lire son journal à 3 heures du matin et il ne fait pas froid. Si on veut avoir des sensations fortes, il faut venir. A Lofoten, il y a les montagnes les plus vieilles du monde et des nappes de brouillard de toute beauté. La musique est jouée par des pianistes inspirés et le public repart transformé !

Le vendredi 25 septembre, à 20 heures, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, avec l’Orchestre national de Belgique (direction Ion Marin).

Entretien : Barbara Witkowska

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