Un GSM avec lequel on peut téléphoner, c’est bien. Un GSM avec lequel on peut envoyer des photographies, c’est mieux. Alors un GSM qui permet d’envoyer de la vidéo, de consulter son courrier électronique et de surfer sur le Net à grande vitesse, c’est le pied. C’était du moins l’avis des trois opérateurs GSM du pays lorsqu’en mars 2001 ils déboursent, chacun, 150 millions d’euros pour acquérir une licence UMTS (Universal Mobile Telecommunications Systems). Avec une vitesse de transmission élevée et une qualité de communication se rapprochant de celle de la téléphonie fixe, la norme UMTS – plus connue sous l’appellation de téléphonie de troisième génération (3G) – se présente comme le support idéal pour les applications multimédias sur téléphones cellulaires. Las, avec la crise du secteur des nouvelles technologies, l’engouement et les sources de financement (c’est qu’il faut construire un nouveau réseau à coté du réseau GSM actuel) fondent comme neige au soleil.
Comme la grande majorité des opérateurs européens, Base, Mobistar et Proximus se retrouvent donc en possession d’une coûteuse licence qui, dans l’immédiat, ne leur sert à rien. Pis : avec l’obligation de présenter un embryon de réseau techniquement opérationnel pour le 15 septembre dernier, l’UMTS est même actuellement un boulet aux pieds des opérateurs. Sous la pression de ceux-ci, l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT), chargé de vérifier l’existence du nouveau réseau, a d’ailleurs assoupli ses exigences. En guise de réseau, une poignée d’antennes installées autour des quartiers généraux des opérateurs suffisent. Faisant office d’utilisateurs, quelques membres du personnel se chargent de tester la technologie. Un peu ridicule comme solution, mais elle évite aux opérateurs d’investir massivement dans des outils dont le marché n’a actuellement strictement rien à faire. Reste qu’au moment de l’acquisition des licences, les opérateurs se sont également engagés à couvrir 30 % du pays avec l’UMTS, d’ici à la fin décembre 2005. » Cette date butoir imposée par l’IBPT ne nous dérange pas, précise Jean-Luc Van Kerckhoven, de Proximus. Mais on ne cache pas que les 30 % de couverture seront principalement constitués par l’équipement des grandes villes. Quant à la date du lancement commercial de l’UMTS, si ce n’est qu’elle surviendra avant fin 2005, nous ne la connaissons pas. »
Même son de cloche chez Mobistar, où l’on confirme que le marché n’est pas encore prêt pour la nouvelle norme. » Comme les autres opérateurs, explique Bart Vandesompele, de Base, nous sommes techniquement parés pour l’UMTS (trois antennes en service), mais pas vraiment pressés de l’implanter. En termes de possibilités, l’i-mode nous donne déjà une longueur d’avance sur nos concurrents. » Fonctionnant sur la norme GPRS (General Packet Radio Service) – la téléphonie 2,5G -, l’i-mode annonce, en effet, ce que sera l’UMTS de demain. Envoi de messages multimédias, lecture de courriers électroniques, consultation de sites Internet…, la technologie adoptée par Base offre déjà ces services, mais à des vitesses encore limitées. En face, Mobistar et Proximus tablent, eux, sur le MMS ( voirencadré), utilisant aussi la norme GPRS, pour appâter le client et l’habituer à utiliser son GSM autrement que comme un simple téléphone mobile.
Pour l’instant, on ne peut pas dire que l’envoi de photographies par téléphone cellulaire remporte un vif succès. Ou alors les opérateurs cachent vraiment bien leur joie. Mais vu le peu d’empressement à communiquer des chiffres, on tablerait plutôt sur une attente dubitative. Chez Mobistar, où l’on a lancé le MMS en janvier 2003, on explique que, le service étant gratuit durant les vacances, il est prématuré de tirer des conclusions sur cette période. Même constat chez Proximus, où plusieurs vagues de promotions viennent également perturber l’analyse. Toutefois, l’opérateur annonce 100 000 demandes d’activation du service MMS depuis novembre 2002. Un nombre qu’il espère bien porter à 200 000 d’ici à la fin de l’année. Impossible, en revanche, de savoir si ces activations débouchent sur une réelle utilisation du service. A 6 euros l’abonnement mensuel, on suppose, par contre, que les 14 000 abonnés i-mode comptabilisés par Base en juin 2003 utilisent réellement les fonctions multimédias de leur GSM.
MMS ou i-mode ? Peu importe finalement l’option choisie par le consommateur. Sorte de test grandeur nature, la norme GPRS permet surtout aux opérateurs d’éprouver l’engouement du public pour les nouvelles options de leur portable. Pour certains, le GPRS constituerait même une avancée plus importante que l’UMTS. Comme l’explique Jean-Luc Van Kerckhoven, » le passage à l’UMTS ne va pas être très spectaculaire. Si l’on devait établir une comparaison avec d’autres moyens de communication, on peut dire que le passage de la norme GSM à la norme GPRS équivaut au passage de la radio à la télévision. Celle du GPRS à l’UMTS s’apparente plutôt au passage de la télévision noir et blanc à la couleur ».
La norme UMTS est-elle morte avant d’avoir existé ? Pas vraiment. Dépouillée de l’aura quasi magique qui lui colle à la peau depuis son apparition, la téléphonie de troisième génération jouera simplement son rôle d’évolution qualitative dans la petite histoire de la téléphonie mobile. Sans oublier qu’elle arrivera également à point nommé quand le réseau GSM actuel sera saturé. Une situation à laquelle certaines grandes villes européennes ne vont pas tarder à être confrontées. l
Vincent Genot
Une rubrique de Vincent Genot