Les Italiens de l’étranger ont fait perdre Berlusconi, mais aussi leur ministre, qui comptait tant sur eux
Pour Silvio Berlusconi, la défaite aux élections des 9 et 10 avril est dure à accepter. Son obstination à contester les résultats le prouve. Mais pour son ministre des Italiens dans le monde, Mirko Tremaglia, le succès étriqué du centre gauche de Romano Prodi est une tragédie plus douloureuse encore. A l’issue de ce scrutin marqué par un écart infime entre les deux coalitions, cet homme de 79 ans incarne l’échec du camp Berlusconi. Les efforts de toute une vie se retournent contre lui, et ses alliés le montrent du doigt. Explication : si les Italiens de l’étranger n’avaient pas voté, le centre droit aurait eu la majorité au Sénat ! Or, c’est lui, l’onorevole (honorable) Tremaglia, l’ancien fasciste de la république de Salo (1943-1945), l’anticommuniste, le patriote, qui a fait adopter une loi octroyant le droit de vote à ces Italiens-là !
Elu au Parlement depuis 1972, d’abord dans les rangs du parti néofasciste Movimento sociale italiano (MSI), puis d’Alleanza nazionale, aux côtés de Gianfranco Fini, Tremaglia est respecté par tous, même par ses adversaires les plus farouches. Il s’est toujours battu pour que ses concitoyens éparpillés sur tous les continents puissent voter. Le premier projet de loi, d’un autre député du MSI, date de 1955. Quarante-six ans plus tard, en 2001, Mirko Tremaglia obtenait enfin gain de cause.
Fils d’un fonctionnaire du gouvernement italien fait prisonnier et mort en Erythrée, le jeune Tremaglia avait suivi Mussolini dans ses derniers retranchements, sur le lac de Garde. Après la guerre, il est devenu avocat à Brescia et a épousé une jeune fille nommée… Italia ! Voyageur infatigable, il a créé sous toutes les latitudes des » comités tricolores des Italiens dans le monde « . Au cours de la dernière campagne électorale, personne ne s’est beaucoup soucié de ces nouveaux électeurs. Ils étaient pourtant plus de 4 millions. Une bonne moitié en Europe et plus de 1,5 million en Amérique, surtout en Argentine (plus de 600 000). Mais aussi en Asie, en Océanie et en Afrique. Tout le monde pensait qu’ils voteraient à droite. On les croyait nostalgiques, comme le vieux ministre, d’une Italie aujourd’hui disparue. Or la majorité d’entre eux a voté pour Prodi. Ou plutôt contre Berlusconi. Dans l’espoir, probablement, d’améliorer l’image du pays. l
Vanja Luksic