TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET INVESTISSEMENTS

A l’approche de la COP21, beaucoup s’interrogent sur la  » transition énergétique  » : moins d’énergie importée et plus d’économies d’énergie ; moins d’énergies fossiles et plus d’énergies renouvelables. Est-ce possible ? On sait que cela requiert des investissements importants. Rien que pour l’électricité, les besoins en infrastructures de transport et de distribution sont estimés à quelque 600 milliards d’ici à 2035. Construire les bases nécessaires pour mieux connecter les pays européens est en effet crucial. Par exemple, pour faciliter la fourniture d’énergie non carbonée dans les pays au nord de la péninsule ibérique, il faut que l’excès d’électricité solaire qui y est produite puisse être transféré dans des conditions favorables. Des investissements significatifs sont aussi nécessaires pour transformer les réseaux de distribution en  » réseaux intelligents  » capables, d’une part, de compenser les variations d’énergie solaire et éolienne entre les territoires et, d’autre part, au niveau local, d’optimiser la gestion de la demande. Les technologies en cours de développement pour le stockage de l’électricité permettront une avancée majeure et vont changer profondément le paradigme de production et de distribution d’énergie. L’Union européenne doit anticiper en réalisant à temps les investissements qui permettront d’exploiter ce potentiel.

Or, pour le moment, les politiques nationales de l’énergie ne sont pas coordonnées ; les gouvernements décident sans se préoccuper des conséquences pour leurs partenaires de l’UE. Par ailleurs, le système ETS de quotas d’émissions a complètement dysfonctionné avec un prix du carbone constamment en dessous de 10 euros/t, ce qui ne procure pas d’incitation à réduire le volume des émissions de CO2. La cause est connue : en conséquence de la crise économique, la demande de quotas a faibli face à une offre qui était déjà au départ trop généreuse.

Préparer le terrain pour les investissements requiert d’adopter un cadre réglementaire plus cohérent, donc plus européen, donnant une vision claire sur le long terme. A cet égard, le pas le plus critique et le plus urgent est la réforme du système ETS. Le prix résultant du croisement de l’offre et de la demande de quotas, la Commission doit pouvoir moduler l’offre pour éviter que le prix ne descende en dessous du minimum requis pour qu’il y ait un véritable incitant à diminuer les émissions de CO2 (autour de 30 euros/t). La création d’un prix plancher donnerait enfin un signal clair aux investisseurs. Un deuxième élément déterminant serait de décider l’élimination graduelle des centrales fonctionnant aux énergies fossiles. Ce sont les centrales au charbon qu’il faut remplacer en priorité, en arrêtant tout nouveau projet et en programmant la fermeture des centrales existantes, sauf si elles devaient être dotées d’un système efficace de capture et de stockage du CO2. Un troisième élément clé pour faciliter le financement des investissements de transition énergétique serait la révision des normes prudentielles pour les compagnies d’assurance et pour les banques. Car ces normes, renforcées depuis la crise financière, pénalisent l’investissement dans des actifs de long terme.

Si nous voulons réussir la transition énergétique, des moyens importants sont nécessaires. Leur financement sera facilité si les autorités responsables lui donnent un cadre réglementaire stable et cohérent.

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par Philippe Maystadt

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