Francesca Comencini aborde dans Mi piace lavorare le thème du harcèlement collectif sur le lieu de travail. Avec une remarquable Nicoletta Braschi
Le phénomène du » mobbing » ou harcèlement collectif sur le lieu de travail éveille l’attention depuis quelques années. La mise à l’écart, voire la persécution plus ou moins discrète d’un(e) salarié(e) par ses chefs mais aussi ses collègues, est un phénomène dont on ose enfin parler aujourd’hui, et il était somme toute logique que le cinéma s’empare de ce sujet aussi riche en potentiel dramatique que propre à susciter le débat.
Les sujets sociaux, Francesca Comencini en a déjà traité plusieurs, elle dont l’avant-dernier film, Carlo Giuliani, ragazzo, évoquait le jeune manifestant italien tué par un carabinier lors des manifestations contre le G 8 à Gênes, en juillet 2001. La fille de Luigi Comencini a eu l’idée de Mi piace lavorare (littéralement » j’aime travailler « ) lorsqu’une syndicaliste et une avocate lui demandèrent de réaliser un documentaire à usage interne pour le syndicat CGIL sur le harcèlement en entreprise. La rencontre préparatoire avec des victimes bouleversa la réalisatrice, heurtée par » le stress, la douleur et, surtout, le grand sentiment d’impuissance qu’elles pouvaient ressentir « . Répondant avec les moyens qui sont les siens, Francesca Comencini décida de faire un film de fiction abondamment nourri des réalités perçues dans les témoignages recueillis.
Le personnage principal du film est Anna, une femme vivant seule avec sa fille Morgana, et qui travaille au service de comptabilité d’une grande société. Suite au rachat de son entreprise par une multinationale et à l’arrivée de nouveaux responsables des » ressources humaines « , celle que tous appréciaient pour son travail et sa camaraderie va peu à peu, et sans savoir pourquoi, se retrouver en butte à des ordres incompréhensibles, des missions absurdes puis de plus en plus humiliantes, des lâchages en cascade aussi et même des sabotages qu’elle acceptera longtemps sans broncher û ne pouvant,dans sa situation, se résoudre au chômage û avant que la coupe amère ne se fasse trop pleine…
Des épreuves endurées par Anna, de son incompréhension, de ses questions muettes, enfin de sa révolte, Mi piace lavorare fait un spectacle précis, émouvant, éclairant sur certaines réalités de la vie en entreprise et plus largement dans toute collectivité hiérarchisée. Entourée d’interprètes, dont beaucoup de non-professionnels, puisant dans leur propre expérience pour jouer des scènes aux dialogues souvent improvisés, Nicoletta Braschi fait une création mémorable de justesse. L’égérie de Roberto Benigni (présente dans ses films comme dans sa vie) est pour beaucoup dans la réussite d’un film social ne masquant pas ses choix critiques, et rejoignant Le Couperet, L’Emploi du temps et, avant eux, Rosetta au rang des films qui élargissent la réflexion sociale au-delà du simple constat.
Louis Danvers