« The place to be » des grands patrons

La station balnéaire la plus huppée de la côte belge a longtemps été un repaire de francophones B.C.B.G. La situation évolue. Aujourd’hui les chefs d’entreprise, flamands compris, s’y donnent rendez-vous.

« Pas une rue n’est exclusivement francophone ou flamande. Il ne faut pas croire ce genre d’ineptie. Il n’y a pas de ghetto à Knokke.  » Philippe Muylle, patron de la Compagnie Le Zoute, la société qui a pratiquement bâti toute la commune, n’est pas du genre à dessiner une ligne de démarcation entre francophones et flamands. Tout simplement car, selon lui, elle n’existe pas.  » Il n’y a pas de francophones à Knokke, il n’y a que des Belges, qui parlent le flamand, le français ou l’allemand « , nous confirmait récemment l’indéboulonnable bourgmestre Léopold Lippens.

Historiquement, Knokke – et son quartier du Zoute en particulier – est un repaire de francophones bon chic bon genre sur le littoral belge. On y retrouve le gratin issu des belles villas et grandes familles du sud de Bruxelles et du Brabant wallon. Une présence qui perdure au fil des générations. La maison familiale servant le plus souvent de relais. Mais une présence qui s’effrite toutefois doucement. On le voit notamment sur le front du marché immobilier. Ces dernières années, l’activité est principalement le fait de riches Flamands.  » Ce rééquilibrage n’est pas surprenant, fait remarquer l’agent immobilier Alex Dewulf. Il ne faut pas oublier que Knokke se situe en Flandre. Ce n’est pas un village gaulois de francophones.  »

Aujourd’hui, poursuit-il, la majorité des acheteurs viennent de Flandre, de la région d’Anvers en particulier.  » C’est une tendance latente ces dernières années. Elle suit l’évolution économique du pays, où les nouvelles fortunes sont principalement flamandes. Il y a eu une vague de francophones à une période de l’histoire. Aujourd’hui, nous assistons à une vague de néerlandophones. Ce n’est qu’un simple flux économique.  »

John-Alexander Bogaerts, le patron du cercle d’affaires B19 et du magazine Zoute People, précise :  » Toutes les belles villas dont le prix est au-delà de dix millions d’euros sont achetées par des Flamands, issus de la région d’Anvers ou de Waregem. Le Zoute agit comme un aimant pour ces entrepreneurs à succès.  »

La commune a cette particularité de mêler deux communautés pour en sortir un langage où français et néerlandais se mélangent.  » J’entends encore énormément parler français dans les rues de Knokke-Heist, note Philippe Muylle. Mais il faut avouer que l’on entend plus le néerlandais qu’il y a vingt ou trente ans. C’est tout à fait normal. La société évolue. Les deux langues cohabitent de plus en plus. C’est une bonne chose.  »

John-Alexander Bogaerts ajoute :  » Aujourd’hui, dès que je parle business à Knokke, je le fais en néerlandais. Les commerçants ne se soucient pourtant guère de ce genre de discours : ils parlent dans la langue du client. Pour le reste, aucun grand patron n’aime être catégorisé comme Flamand ou francophone. Ils sont Belges avant tout et le font bien sentir.  »

Dans quels quartiers se retrouvent les francophones qui mettent le cap sur Knokke ? Au Zoute, bien entendu. Mais pas seulement. Le quartier situé derrière la Graaf Jansdijk peut également être cité, ou encore les environs de la Boslaan.  » Les Flamands préfèrent quant à eux Albert Plage et le centre de Knokke, précise Alex Dewulf. Mais Knokke-Heist est avant tout ouvert à tout le monde. Même si peu de Wallons y achètent un bien… C’est même frappant !  »

Comment dresser une liste des gens influents qui se rendent régulièrement à Knokke-Heist ? En jetant un oeil sur la liste d’invités de la Zoute People Garden Party. Ils s’y retrouvent tous. Un vrai carré VIP en plein air. C’est le lieu de rassemblement par excellence des gens qui comptent (ou pensent compter) et qui apprécient particulièrement la cité balnéaire huppée de la côte belge. La plupart y possèdent une seconde résidence.

La soirée se déroule début août – ce vendredi 7 cette année – et rassemble 200 convives triés sur le volet. Elle est organisée par John-John Goossens, Arnaud Watrin, Kevin Kielbay et John-Alexander Bogaerts. On y croise du beau monde. Souvent les mêmes têtes ces dernières années. Des patrons notamment, comme Philippe Delusinne (RTL), Paul Buysse (Bekaert), Christian Van Thillo (De Persgroep), Luc Bertrand (AvH), Roland Cracco (Interparking), Jean-Pierre Lutgen (Ice-Watch) mais aussi des ministres (Pieter De Crem), des créateurs (Edouard Vermeulen et Olivier Strelli) ou encore des sportifs (Nicolas Colsaerts). D’autres, comme Albert Frère ou Marc Raisière (Belfius), préfèrent davantage humer l’air frais de la mer que de s’exposer en public. Tour d’horizon.

Vincent Van Dessel Le patron de la Bourse de Bruxelles se rend chaque week-end avec son épouse dans sa villa du Zoute, où il est domicilié. De quoi lui permettre de s’adonner à sa passion pour le golf. Il y retrouve quelques grands patrons dont il est proche, tels Paul Buysse et Bert De Graeve (Bekaert), Luc Bertrand (AvH), Duco Sickinghe (Telenet), Eric Drossart (ancien vice-président d’IMG), Jean- Charles De Keyser (ex-Belgacom TV) ou encore Serge Fautré (Cofinimmo). Citons également Philippe Croonen- berghs, patron de Texaf, qui est un ami.

Malinois de naissance (57 ans), cet économiste sorti de la KULeuven occupe pendant la semaine un appartement dans le quartier de la place Brugmann, à Bruxelles, vu qu’il est pris quasiment tous les soirs par des conférences ou des réceptions liées à son activité professionnelle. Il rejoint la côte belge le week-end. Un lieu où il a étoffé, au fil des années, un carnet d’adresses déjà très bien fourni. Le golf, qu’il a découvert à 35 ans et qu’il essaie de pratiquer tous les week-ends, même lorsqu’il pleut, l’a bien aidé. Il est inscrit au Royal Zoute et y passe la plupart de ses temps libres.

Philippe Delusinne

Philippe Delusinne (58 ans), le patron de RTL Belgique depuis treize ans, habite Beersel mais possède une seconde résidence au Zoute. Il s’y rend dès que possible. Un lieu où il peut s’aérer et en même temps travailler. Un lieu qui lui permet aussi de taper la balle (handicap 18) avec l’un ou l’autre ami. Et comme ce workaholic n’aime pas perdre son temps, il entame donc le plus souvent ses parcours vers 7 h 30. Ses partenaires ? Vu son important carnet d’adresses, citer ses camarades de jeu serait trop long. Mais puisqu’elle figure dans notre liste de portraits, nous pouvons quand même avancer le nom de Michèle Sioen, qui fait partie des habituées.

Pour le reste, ce supporter d’Anderlecht est un parfait bilingue. Qui se sent comme un poisson dans l’eau au Zoute.  » Je me considère comme un invertébré linguistique, ni flamand, ni francophone, expliquait-il il y a quelques années au Soir. Mon épouse est limbourgeoise. J’utilise le néerlandais dans mes contacts avec les commerçants comme je le fais lorsque je me rends dans ma seconde résidence du Zoute. Simple courtoisie linguistique.  »

Michèle Sioen et Marnix Galle

C’est l’un des couples qui fait le plus parler de lui dans les milieux économiques.Marnix Galle (50 ans), patron de la société de promotion immobilière belgo-luxembourgeoise Allfin, et Michèle Sioen (50 ans), présidente de la FEB et CEO du groupe textile éponyme, partagent leur vie entre Bruxelles et Knokke. Ils se sont mariés en 2008 et sont domiciliés au Zoute (les trois enfants de Michèle Sioen sont ou étaient scolarisés au Sacré-Coeur alors que Marnix Galle a également trois enfants, plus âgés, issus d’un premier mariage). Ils possèdent une villa où ils accueillent régulièrement de nombreux amis.

Au rayon personnel, Marnix Galle est un de ces promoteurs qui multiplie les paris audacieux. Comme l’an dernier lorsqu’il a réalisé un coup fumant en devenant actionnaire de référence d’Immobel (29,85 %), la plus ancienne société immobilière belge cotée. Faisant de lui un acteur encore plus incontournable à l’avenir.

Michèle Sioen est quant à elle une des femmes d’affaires détenant le plus de pouvoir en Belgique. Elle dirige une entreprise active dans le textile qui réalise 325 millions de chiffre d’affaires et emploie près de 5 000 personnes.

Stefaan Bettens

Importateur de la boisson énergisante à succès Red Bull, le fondateur de la société Jet Import, Stefaan Bettens (53 ans), dispose d’une villa au Zoute. C’est un habitué des belles soirées knokkoises. Avec un chiffre d’affaires de plus de 85 millions d’euros et une croissance annuelle à deux chiffres, il est évidemment bien accueilli.

Jet Import commercialise les bières Corona Extra, Heineken et Desperados, l’eau design Ty Nant, les eaux bien-être Carpe Diem ou encore les jus de fruits mySmoothie. Tous des produits à la mode et tendance.

Guy Pieters

On le surnomme le parrain de l’art à Knokke. Guy Pieters, 62 ans, plus grand marchand d’art de Belgique, a ouvert en août dernier la plus vaste galerie de la cité balnéaire sur la place Albert, que les mauvaises langues ont depuis longtemps baptisé  » Place m’as-tu vu « . Située à l’angle de l’Albertplein et de la digue, elle s’étend sur 580 mètres carrés. Depuis 1983, le galeriste a ouvert quatre espaces de ce type à Knokke.

Originaire de Laethem-Saint-Martin, Guy Pieters a fait défiler les artistes de talents : Arman, Andy Warhol, Robert Rauschenberg, Karel Appel, Christo ou encore Jeanne-Claude. Delphine Boëly a également ses habitudes. Il s’est spécialisé ces dernières années dans l’art contemporain.  » Si je n’avais pas acheté une nouvelle galerie à Knokke, l’année 2014 aurait été la dernière de ma carrière. Mais, j’ai finalement décidé de ne pas arrêter. Que faire d’autre ? J’ai tellement travaillé que je n’ai aucun hobby, déclarait-il à L’Echo l’an dernier. J’ai déjà essayé de m’offrir un dimanche de farniente mais, quand le soir arrive, je suis de mauvais poil. Ne rien faire, ça me rend malade.  »

Luc Bertrand

Luc Bertrand (64 ans), le patron du holding Ackermans & van Haren, l’un des patrons les plus influents de Belgique, est domicilié à Knokke. Il s’agit d’une des plus grandes fortunes du pays. C’est un habitué des diners au Royal Zoute Golf Club. On le retrouve également régulièrement sur les greens. A la côte, la discrétion le caractérise avant tout.

John-Alexander Bogaerts

 » J’ai l’impression d’être le concierge du Zoute. On m’appelle constamment pour savoir ce qui s’y passe (rires). « John-Alexander Bogaerts, 43 ans, patron du cercle d’affaires B19 et du journal Ubu-Pan, connaît Knokke sur le bout des doigts. Il y va depuis sa tendre enfance. Rien ne lui échappe. Tout le monde le connaît. Et il connaît tout le monde. Son carnet d’adresses est énorme, du simple DJ au patron de multinationale. Marc Coucke, Christian Van Thillo ou encore Philippe Delusinne viennent manger régulièrement chez lui. Et quand il n’est pas à Knokke, il fait défiler les patrons à Uccle, dans son cercle d’affaires.

Ultra-actif depuis vingt ans, John-Alexander Bogaerts enchaîne les projets. Le plus  » simple  » cartonne depuis dix ans : le Zoute People, lancé avec son comparse de toujours John-John Goossens (fils de feu John Goossens), est un magazine gratuit qui s’arrache sur les plages select. Il a rouvert il y a quelques mois, avec le soutien de Léopold Lippens dont il est proche, une librairie qui cartonne, en face de l’église des Pères Dominicain. Enfin, il organise  » la  » soirée people du Zoute, le Diner des John’s et un tournoi de golf. Un incontournable dans le monde de l’événementiel knokkois.

Marc Coucke

Non, Ostende n’est pas la cité balnéaire préférée du milliardaire gantois, CEO et fondateur d’Omega-Pharma. S’il y préside les destinées du club de football, Knokke a les faveurs de Marc Coucke (50 ans). Il réside au Zoute, dans une belle villa.

L’homme, ultrapopulaire en Flandre, va également contribuer à redessiner le paysage de Knokke dans les prochaines années. Ayant injecté 75 millions d’euros dans le groupe immobilier Versluys, il sera partie prenante de la transformation de trois hôtels en immeubles d’appartements de luxe : les hôtels Carlton, des Nations et Pauwels.

Edouard Vermeulen

Le directeur de la maison belge de haute couture Natan est un habitué de Knokke. Celui qui habille la plupart des têtes couronnées belges y a ouvert une boutique en 1986. Il vient d’ailleurs de déménager son enseigne pour l’implanter au 152 de la Kustlaan, dans une maison typique du Zoute. Pour le reste, l’homme cultive les paradoxes. Il fréquente Knokke-Heist depuis des lustres mais n’y a jamais acheté de maison – il loge dans la maison de ses parents presque chaque week-end. Il est également membre du Golf du Zoute depuis trente-sept ans sans jamais être monté sur un green. Alors que sa manière de parler, mélange d’ouest-flandrien, d’accent bruxellois, agrémenté de quelques mots de français, symbolise à merveille les lieux.  » N’est-ce pas typique de la langue de Knokke, de passer du néerlandais au français, et vice versa ?  » expliquait-il, il y a peu, dans un magazine local.

Paul Buysse

Le comte Paul Buysse, ancien président de Bekaert, est aujourd’hui à la pension. De quoi profiter encore davantage de sa villa à Knokke. Le père de cet Anversois pure souche possédait une petite maison avenue Léopold : la villa Titi.  » J’ai une longue histoire d’amour avec le Zoute, déclarait-il il y a quelques années. J’y suis pratiquement né.  »

Rappelons que Paul Buysse est l’une des grandes figures du monde économique belge. Sa carrière l’a mené à Londres, Paris et Bruxelles. Il est encore actif dans une série de mandats aujourd’hui, dont le cercle d’affaires B19, où il est l’un des présidents.

Les politiques

Les temps changent. Les plus anciens se souviennent que, dans les années 1960, tout le gouvernement Eyskens pouvait se réunir à Knokke. Ce n’est plus du tout le cas. Peu de politiques francophones s’y rendent par exemple. Seuls Louis Michel et Armand De Decker s’y déplacent régulièrement, mais on ne peut plus vraiment dire qu’ils sont au coeur de l’action belgo-belge. Dans les rangs flamands, le secrétaire d’Etat Pieter De Crem (CD&V) est un habitué des belles soirées du Zoute. C’est l’un des seuls politiques.

Un dossier coordonné par Philippe Berkenbaum avec Xavier Attout

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