Une formation reconnue peut-elle être dispensée par un organisme hors enseignement ? C’est l’enjeu d’une polémique entre les hautes écoles et l’Institut de formation des indépendants et PME.
Le Conseil général des hautes écoles (CGHE), qui organise les 20 hautes écoles en Communauté française, se tient ce jour-là sous un soleil magnifique. Qu’importe ! Ses 18 membres n’ont pas le c£ur à admirer le paysage radieux. Ils se repassent le film de ces derniers mois : » Le champ d’action des hautes écoles est agressé de toutes parts. «
L’objet de la critique ? Ledit conseil doit remettre, incessamment, son avis – consultatif – sur le cursus en comptabilité dispensé par l’Institut de formation en alternance et des indépendants et PME (IfaPME). Or le conseil y voit une » concurrence déloyale » avec l’enseignement supérieur, et commence à montrer les dents.
L’IfaPME, organisme public financé par la Région wallonne, s’est imposé dans l’offre de formation, particulièrement depuis la signature d’un contrat de gestion avec la Région en 2003. Grand établissement en réseau (14 centres de formation), il forme ceux qui souhaitent apprendre un métier, se perfectionner, créer leur entreprise : dans ce cadre, il s’est également positionné comme partenaire de l’enseignement de promotion sociale.
Jusqu’ici, la formation en comptabilité made in IfaPME n’est pas considérée comme de la promotion sociale, qui dépend de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cela va changer, sans doute dès septembre prochain. La Fédération Wallonie-Bruxelles veut » labéliser » ce cursus. C’est-à-dire que le diplôme en comptabilité IfaPME sera équivalent à celui délivré dans une haute école (trois années supérieures, après l’école secondaire). Cette labélisation est évidemment très politique. » L’objectif est de valoriser le travail de terrain et de compter davantage de diplômés. Dans l’enseignement, il fallait oser ouvrir les portes à des trajectoires différentes « , déclare Marie-Dominique Simonet, ministre CDH de l’Enseignement obligatoire et de la Promotion sociale.
C’est là que le bât blesse pour les membres du CGHE. Ils craignent que cette reconnaissance ouvre pour l’IfaPME la voie à d’autres diplômes de bachelier. » C’est la première fois qu’une formation complète pourra être dispensée par un organisme hors enseignement. Pourtant, cet organisme n’est pas soumis au contrôle de l’Agence pour l’évaluation et la qualité de l’enseignement supérieur « , pointe le syndicaliste CSC Jacques Neirynck, membre de la CGHE. De même, le conseil s’interroge sur les titres requis pour les enseignants IfaPME – des professionnels encore en activité, directement connectés au monde de l’entreprise.
Au cabinet Simonet, le spécialiste Stéphane Heugens tente de lever les incertitudes. » Il s’agit, en réalité, d’une convention entre l’IfaPME et la promotion sociale. Elle a été soumise à un processus de qualité et à l’inspection. Rien n’est sous-traité hors enseignement. » En gros, l’étudiant suit au maximum deux tiers de sa formation à l’IfaPME et un tiers dans un établissement de promotion sociale. C’est ce dernier qui délivre le diplôme de bachelier en comptabilité.
Pour l’instant, l’Enseignement supérieur refuse de se prononcer et exige un complément d’informations. Ses résistances sont-elles l’expression d’une chasse gardée ? Difficile pour autant d’enterrer un projet au c£ur des promesses du CDH, ayant la main sur l’emploi et sur l’enseignement.
SORAYA GHALI