Après les blogs, les vlogs débarquent sur Internet. Déclinaison vidéo du journal personnel en ligne, le phénomène n’a pas échappé aux publicitaires. Entre communication et information, bonjour le mélange des genres !
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V WEscape TV, c’est un vidéo magazine en ligne. Ça dure une vingtaine de minutes. Vous pouvez nous retrouver tous les mois. On va parler de culture, de cinéma, de jeux vidéo, de l’Internet, de bagnole, de sport et d’un tas d’autres trucs… » Emballée dans une musique rythmée et entraînante, l’invitation est alléchante. D’autant qu’elle est lancée par un duo de présentateurs qui ont su trouver le ton juste. Direct et dynamique, le discours, à l’humour décalé, est clairement formaté pour les jeunes à la recherche d’un magazine différent. En l’occurrence, un site Internet sur lequel une certaine actualité est déclinée en séquences vidéo.
Naviguant sur la vague des vlogs ( voir encadré), » le premier magazine belge vidéo en podcasting » – comme le définissent ses concepteurs -, propose des reportages sur les événements du mois (concerts, cinéma, sport…), des interviews people, des séquences amusantes tirées du Web, ainsi que des publicités pour… Volkswagen. Sur VWEscapeTV, une grande majorité des sujets tournent, d’ailleurs, autour de cette marque automobile. Même la critique d’un jeu vidéo arrive à y faire allusion. On admirerait presque la prouesse. N’empêche, à force de nous vendre de la voiture sans avoir l’air d’y toucher, le côté fun du site finit par s’estomper. De VWEscapeTV ne reste alors qu’une grosse campagne de communication. » On ne triche pas avec le visiteur, rétorque Olivier De Doncker, responsable de la communication chez Emakina, l’agence à la base du projet VWEscapeTV. Notre contenu est clairement identifié dans un contexte commercial. Aujourd’hui, la consommation des médias n’est plus linéaire. Avec Internet et les nombreux terminaux mobiles, on n’attend plus pour regarder ou écouter les actualités. On les consulte où et quand on veut. La consommation est fragmentée sur plusieurs canaux. Ce qui oblige l’annonceur à toucher sa cible là où elle se trouve. » » Les 18-30 ans ont adopté ce nouveau comportement de consommation de médias, poursuit Brice Le Blévennec, président du conseil d’administration d’Emakina. VWEscapeTV est un projet à long terme qui permet à Volkswagen de renouer un contact privilégié avec cette génération. »
Audience de niches
Avec déjà six numéros en préparation et une possibilité de prolonger l’aventure sur deux ans, le constructeur automobile allemand n’a pas lésiné sur les moyens pour tenter de capter l’attention des jeunes consommateurs. » L’annonceur ne souhaite pas communiquer le coût de cette production, précise Olivier De Doncker. Je peux juste vous dire que ce projet est beaucoup moins onéreux qu’un équivalent TV. Avec Internet, il est financièrement possible de créer des audiences de niches avec des moyens limités. » Pour fixer cette audience de niche, les créatifs d’Emakina ont misé sur des valeurs sûres. Ainsi, pour la présentation de leur magazine, ils ont fait appel à un professionnel de la radio. Animateur sur Pure FM où, cinq soirs par semaine, il joue l’interactivité avec son public, Raphaël Charlier a également été chroniqueur pour Cyber Café, une émission de Brice Le Blévennec qui a fait les beaux jours de Radio 21 et de La Deux, en télévision. Si le recours à ce professionnel de l’animation radio est, somme toute, logique, il n’en est pas moins interpellant. N’y a-t-il pas un risque de confusion des genres ? Les publics cibles de Pure FM et de VWEscapeTV sont, en effet, fort proches. » Comme sur Pure FM, je ne suis qu’un animateur sur VWescapeTV, pas un journaliste, précise Raphaël Charlier. Je ne fais donc que mon boulot. Je tiens d’ailleurs à préciser que, comme sur les ondes de la RTBF, qui m’a donné son feu vert pour cette collaboration, je n’ai aucun contact avec les annonceurs. » Il n’est cependant pas nécessaire de rencontrer un annonceur pour lui apporter du crédit. » Je n’ai pas encore eu l’occasion de regarder VWEscapeTV, explique Pierre Van Den Dungen, chercheur en histoire à l’ULB, spécialisé dans la presse et la publicité. Que des professionnels de l’information donnent du crédit à une initiative commerciale serait néanmoins problématique. Mais j’éviterais de jeter la pierre à quiconque. Ça n’a pas l’air évident d’être journaliste à notre époque. Si vous n’avez pas la chance d’être salarié, il faut se battre quotidiennement pour trouver les collaborations qui permettent de vivre. Il est donc logique que l’on arrive à ce genre de pratique. Ce qui n’enlève rien au problème du mélange des genres : il est de plus en plus difficile pour le public de faire le tri entre ce qui relève de la communication et ce qui relève du travail journalistique. »
Dans l’ouvrage La Planète numérisée paru aux éditions Labor, Jean Lohisse, anthropologue de la communication, rappelle le concept d’information élaboré à des fins industrielles par Claude Shannon et Waren Weaver, deux des pères de la théorie de l’information. Ceux-ci définissent l’information comme » tout ce qui aide le récepteur à prendre une décision en venant réduire son incertitude sur l’évolution du monde « . Il n’est pas certain que le phénomène des vlogs, surtout dans sa déclinaison commerciale, réussisse à réduire cette incertitude…
Informations : www.vwescape.tv
Vincent Genot