Téléphoner gratuitement et plus librement

Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

Chouchou des internautes, le logiciel de téléphonie sur Internet, Skype, revendique plus de 75 millions d’utilisateurs réguliers à travers le monde. Ceux-ci lui sont pieds et poings liés

Jusqu’il y a peu de temps, la téléphonie sur IP – c’est-à-dire la téléphonie qui utilise le réseau Internet pour transmettre la voix – était réservée aux seuls spécialistes capables de paramétrer correctement un tel système. Avec Skype, et l’arrivée des connexions permanentes de type ADSL, tout a changé. La simplicité est enfin au rendez-vous. Plus besoin de bidouiller : on installe le programme sur sa machine, on encode quelques renseignements et ça fonctionne. Pour pas un kopek, on téléphone alors au petit neveu perdu au fin fond de l’Australie ou à la petite amie qui termine son Erasmus en Suède. En réussissant à simplifier les procédures, Skype s’est assuré un succès mondial, au point – à l’instar de Google pour la recherche – de devenir un néologisme synonyme de téléphonie gratuite. Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que la Chine, pour des  » raisons purement commerciales « , a décidé de bloquer jusqu’en 2008 les appels effectués d’un ordinateur connecté à Internet vers un téléphone fixe. Pour Skype qui tentait de lancer en Chine SkypeOut (son service de téléphone à bas prix d’un ordinateur vers une ligne fixe), c’est un peu la tuile.

 » Depuis le début, Skype a joué la carte de l’application fermée, explique Damien Sandras, ingénieur civil chez IT-Optics, une société belge de services spécialisée dans l’expertise réseau et l’open source. Ce programme est basé sur un protocole propriétaire incapable de communiquer avec autre chose que lui-même.  » En clair, un utilisateur Skype ne peut parler qu’avec un autre utilisateur Skype, impossible d’interagir avec d’autres systèmes de téléphonie sur IP (excepté par l’achat de passerelles ou adaptateurs spécifiques). Si ce choix semble judicieux dans la fidélisation des clients, il se révèle particulièrement handicapant face au protectionnisme économique d’un pays comme la Chine qui compterait déjà neuf millions d’utilisateurs Skype.  » En matière de voix sur IP, il existe des protocoles standards. J’ai consacré mon mémoire de fin d’études à cette question. J’ai d’ailleurs développé Ekiga, un logiciel de voix sur IP open source sur lequel je travaille depuis cinq ans durant mon temps libre.  » A l’inverse de Skype, Ekiga ne réinvente pas la roue. Il s’appuie sur les protocoles SIP (Session Initiation Protocol qui permet, entre autres, de développer des téléphones SIP capables de se connecter directement à l’Internet sans fil et sans passer par un PC) et H. 323 (un protocole plus ancien déjà utilisé par Netmeeting). En plus d’une grande interopérabilité qui le rend compatible avec d’autres logiciels et matériels (Cisco, Avaya, Nortel, etc.), Ekiga peut être utilisé avec différents fournisseurs de téléphonie IP afin de toujours pouvoir choisir le tarif le plus avantageux.  » J’ai par exemple un compte qui me permet de téléphoner gratuitement en Russie, termine Sandras. Outre l’aspect pécuniaire, je crois que le respect des standards est primordial pour un logiciel de communication. Imaginez que votre GSM Nokia ne puisse communiquer qu’avec un autre Nokia, et qu’il faille un Siemens pour appeler un autre Siemens. C’est pourtant bien cela que Skype impose à ses utilisateurs.  » Déjà inclus dans toutes les distributions Linux et dans OpenSolaris de Sun, Ekiga sera disponible pour Windows avant la rentrée prochaine.

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Informations : www.ekiga.org

Vincent Genot

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