La fraude révélée par ce scandale porte sur 180 milliards d’euros, rien que pour une période de cinq mois, et ne concerne qu’une seule grande banque, HSBC-Suisse. Le SwissLeaks n’est que la pointe de l’iceberg.
Et dire qu’à cause d’un jeans sale, le SwissLeaks a failli ne jamais éclater dans la presse. Fabrice Lhomme, du quotidien Le Monde, avait reçu d’une source anonyme la fameuse clé USB sur laquelle se trouvaient les noms de plus 100 000 clients de la banque HSBC-Suisse. Or, cette clé traînait dans une poche de pantalon du journaliste, prêt à être enfourné dans le tambour d’une machine à laver. La clé fut sauvée in extremis d’une mise à l’eau fatale de l’enquête qui a finalement ébranlé 188 pays.
Face à la somme de données, incapable de tout pouvoir traiter seul, Le Monde s’est tourné vers le consortium international de journalistes (ICIJ) qui avait déjà fait fuiter les deux précédents » Leaks « , OffshoreLeaks et LuxLeaks. En février, la tempête SwissLeaks est planétaire. La fraude fiscale organisée par HSBC porte sur 180 milliards d’euros, pour la seule période allant de novembre 2006 à mars 2007. Elle concerne 106 000 clients et 20 000 sociétés offshore au Panama et dans les îles Vierges britanniques. On y retrouve des chefs d’entreprise, des hommes politiques, des trafiquants d’armes, des criminels, des têtes couronnées, des stars du show-biz, des sportifs de haut niveau… Dixième dans la liste des pays les plus impliqués, la Belgique est largement éclaboussée : le volet belge de la fraude se chiffre à 6 milliards et concerne plus de 3 000 contribuables, dont 916 diamantaires anversois.
Plusieurs mois auparavant, le juge bruxellois Michel Claise avait lancé une vaste enquête sur les clients belges d’HSBC Suisse, sur la base des fichiers volés par Hervé Falciani en 2007, lorsqu’il était informaticien de la banque, et transmis par la justice française à la Belgique. La banque suisse avait déjà été inculpée, en novembre 2014, par le juge belge pour fraude fiscale grave, blanchiment d’argent et organisation criminelle. Sur le plan administratif, le fisc réclamera aux clients belges d’HSBC plus de 540 millions d’euros d’impôts et d’amendes, le plus gros de la somme concernant les régions d’Anvers et de Gand. Une bonne partie des dossiers sont toujours en contentieux.
La réponse du gouvernement Michel au SwissLeaks ? La » taxe Caïman « , visant à lutter contre les constructions juridiques qui permettent à des contribuables belges de cacher encore 57 milliards d’euros (selon la BNB) dans des paradis fiscaux, et la » taxe-carat » imposant les diamantaires sur leur chiffre d’affaires à hauteur de 0,55 % et non sur leurs bénéfices, taxe que l’opposition dénonce comme étant un véritable cadeau fiscal au secteur. Pour le reste, c’est surtout l’échange automatique d’informations fiscales entre 65 pays dès juillet 2017 qui permettra de lutter efficacement contre la fraude et les paradis fiscaux. Pour autant que les administrations soient renforcées et bien organisées.
Thierry Denoël