L’ostéoporose serait une maladie surdiagnostiquée à des fins commerciales. Une alimentation variée et une pratique régulière d’activités physiques seraient suffisantes pour préserver le squelette et prévenir des fractures. C’est un avis qui gagne en ampleur. Les explications de l’un de ses tenants.
Les polémiques autour du calcium, des produits laitiers, des eaux minérales et des médicaments » antiostéoporose » sèment le trouble chez les femmes ménopausées. Dans son dernier ouvrage, le docteur Jean-Pierre Poinsignon, rhumatologue indépendant basé à Grenoble, entend démontrer que la stratégie de prévention de l’ostéoporose est inefficace et coûteuse.
Le Vif/L’Express : L’ostéoporose est-elle une maladie ?
Jean-Pierre Poinsignon : Lorsqu’on fait du ski ou lorsqu’on monte sur un escabeau, il y a un risque de se fracturer un os : ça ne transforme pas la pratique du ski ou le fait de monter sur un escabeau en maladie. La plupart des membres du corps médical, au prétexte licite de la prévention des fractures, ont confondu, de bonne foi, une maladie avec un risque. Il faut néanmoins se rendre à l’évidence : la médecine technico-statistique ne sait pas détecter, à l’avance, les femmes qui vont se tasser une vertèbre à 65 ans ou se casser le col du fémur à 80 ans. La densité osseuse mesurée par un appareil n’est pas le reflet fidèle de la solidité osseuse, au moment de l’examen et même six mois ou un an après l’examen. Le densitomètre mesure d’une manière comparative et statistique la perte de charge minérale du tissu osseux, sans donner l’état de la microarchitecture osseuse qui est le second facteur très important de la solidité osseuse. L’ostéoporose ne semble dès lors que le signe de vieillissement de l’os. Il est abusif sur le plan médical de transformer l' » ostéoporose commune d’involution « , sa forme la plus commune, en maladie… mais cela reste très lucratif. Le risque de fracture osseuse est corrélé scientifiquement aux risques de chute. Lutter contre les facteurs de chute semble actuellement plus efficace que tous les médicaments anti-ostéoporotiques, caractérisés par leurs promesses non tenues.
Pourquoi dites-vous qu’aujourd’hui il n’existe aucun consensus sur la définition de l’ostéoporose ?
Les médecins sont en train de s’apercevoir peu à peu qu’ils ont été trompés. Il semblerait que les critères retenus par un comité d' » experts « , chapeauté officiellement par l’OMS, pour établir le diagnostic d’ostéoporose, au moyen du fameux appareil de mesure, sur lequel les femmes ménopausées montent en » bonne santé et redescendent… malades « , soient sérieusement à revoir. De nombreuses femmes » ostéoporotiques » ne présentent aucune fracture et l’ostéopénie physiologique, c’est-à-dire la perte naturelle de sels minéraux osseux tout au long de sa vie, n’est pas le début d’une maladie.
Pourquoi, à un certain moment, le squelette ne fonctionne-t-il plus bien ?
L’os est un tissu vivant en remodelage permanent. Dès la fin de la croissance et de la maturité squelettiques, l’os perd 2 % de sa masse minérale par an. La masse osseuse est proportionnelle à la masse musculaire, ce qui nous indique les liaisons constantes entre la fonction musculaire et la fonction de soutien de notre armature squelettique. On peut diminuer le pourcentage de perte annuelle de masse osseuse en favorisant la fonction musculaire et en ayant une bonne hygiène de vie. On peut augmenter la vitesse de perte en étant sédentaire, en fumant et en ayant une hygiène alimentaire basée sur l’alimentation moderne. La période périménopausique des femmes est une période de perte de masse osseuse accélérée, qui se restabilise après. Il est très facile d’affoler les femmes dans cette période délicate et de leur raconter des sornettes hormonales ou la fable d’hyperconsommation des produits laitiers…
On a toujours associé l’ostéoporose à la femme. Les hommes n’en souffrent-ils pas ?
La perte osseuse se fait selon une pente régulière chez l’homme, sans la cassure d’accélération de la période périménopausique de la femme. Les hommes possèdent plus de masse musculaire que les femmes et profitent d’une masse osseuse un peu plus importante, ce qui fait qu’il existe moins de cas. Mais la plus grande gravité de la fracture du fémur, c’est chez l’homme, et également après 80 ans.
Quelles sont les causes de l’ostéoporose ?
Simplement le résultat d’une mauvaise hygiène physique, tout au long de sa vie, basée sur la sédentarité moderne du monde occidental et sur l’alimentation trop acidifiante avec les excès de viandes des pays riches, de céréales mutées et de produits laitiers animaux. La géographie et l’épidémiologie de cette tendance du squelette à perdre trop rapidement sa masse osseuse est superposable à l’Occident (Etats-Unis d’Amérique du Nord, Canada, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande) et à son mode de vie.
Au rayon de la prévention, que proposez-vous ?
Ne pas accélérer le vieillissement osseux en ayant une hygiène de vie tout au long de sa vie et non simplement quand commence la vieillesse ou la ménopause… L’hygiène de vie comporte une hygiène gestuelle avec un minimum d’activité physique, puisque la marche est le mode de déplacement naturel de l’homme et une alimentation adaptée à la génétique humaine forgée au paléolithique et non selon l’alimentation de ces cent dernières années. Je propose donc la diététique ancestrale » bio » avec beaucoup de végétaux, beaucoup moins de viandes et de céréales, l’éviction totale des produits laitiers et des cuissons basses températures à la vapeur douce.
Et le calcium contenu dans le lait ?
Le calcium du lait de vache est fait pour son veau, exclusivement… Tout comme les hormones de croissance contenues dans le lait de la vache, tout comme les immunoglobulines du lait de vache, destinées aux veaux pour lutter contre des maladies bovines. Je prétends qu’il faut en finir avec les laits animaux pour les humains… tout court.
Peut-on prévenir ou soigner l’ostéoporose par des médicaments ?
Catégoriquement non. Certes, la vitamine D favorise l’absorption intestinale de calcium (présent dans une alimentation variée) et la minéralisation osseuse. Mais la vitamine D n’est pas un médicament, c’est une hormone fabriquée par l’homme sous l’action des rayons du soleil. C’est donc un produit naturel indispensable à la santé humaine, qui agit favorablement sur l’ensemble des cellules humaines, en plus de ce que l’on connaît déjà sur la cellule osseuse. Le calcium, le magnésium, le phosphore, le manganèse, sont aussi des éléments naturels dont nous sommes constitués et on ne peut pas parler de médicaments à leur sujet. Vous savez, le progrès médical n’est pas linéaire. La connaissance scientifique peut avancer par des erreurs, des errements, des doutes, des retours en arrière, des regrets. L’erreur est humaine. La notion d’ostéoporose » maladie de la femme ménopausée » a du plomb dans l’aile, et c’est tant mieux.
Ostéoporose. Mythe ou réalité ?, par Jean-Pierre Poinsignon, éditions du Rocher, 308 p.
Entretien : Barbara Witkowska