Splendeurs asiatiques

Au XVIIe siècle, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales jette de nouveaux ponts entre l’Occident et l’Orient… Destination synonyme d’évasion, l’Asie nourrit l’imagination et se retrouve rapidement au centre de nombreuses collections comme en témoigne le Rijksmuseum à Amsterdam.

Réunissant quelque 170 objets précieux de Chine, du Japon, d’Inde et de Batavia (actuelle Djakarta), la dernière exposition du Rijksmuseum nous raconte l’histoire maritime des Pays-Bas durant le Siècle d’or. Ce territoire – alors nation la plus prospère d’Europe – domine le commerce, l’art et la science du continent. La Compagnie néerlandaise des Indes orientales (connue en néerlandais sous le nom de  » Vereenigde Oost-Indische Compagnie  » ou  » VOC « ) incarne la première  » multinationale  » au monde. En activité entre 1602 et 1800, cette entreprise capitaliste parmi les plus puissantes comptait 40 000 collaborateurs, 100 navires et 600 comptoirs dans une zone qui s’étendait du cap de Bonne-Espérance au Japon.

Dans ses bateaux, la société ramène à Amsterdam –  » capitale mondiale  » – une variété invraisemblable de produits haut de gamme à commercialiser : des diamants et autres pierres précieuses, de l’or, de l’argent, du cuivre, des perles, des épices (le poivre est alors d’une valeur inestimable : son prix vaut celui de l’or), du thé, des drogues médicinales et bien d’autres denrées. Ils importent également des animaux atypiques – perroquets et singes – mais surtout, tout ce que l’Asie produit de plus fastueux : des objets d’art et des meubles aux motifs exotiques, le plus souvent dans des matériaux précieux. Ainsi, des articles luxueux – spécifiquement destinés à l’Europe – envahissent le marché… et se retrouvent dans de nombreux intérieurs bourgeois et raffinés.

Les Hollandais appréciaient en particulier les ivoires du Japon, les bijoux sertis de pierres précieuses indiennes et indonésiennes, les coquilles aux formes biscornues, les filigranes indiens… En outre, ils affectionnaient les laques japonaises auxquelles ils vouaient une réelle fascination. Elles étaient plus rares et donc plus chères en raison du fastidieux processus de fabrication (qui nécessitait plus de temps). Parmi les pièces phares, un coffre laqué très richement orné, spécialement fabriqué pour l’épouse du gouverneur général Van Diemen.

De belles couleurs aussi

Couvre-lits, rideaux, tapisseries confectionnés dans des soies et des cotons importés d’Asie apportaient aussi plus de couleurs dans les intérieurs. De Chine, la porcelaine blanche extrêmement délicate assortie de motifs bleutés fut tout spécialement appréciée. Elle était beaucoup plus fine, plus lisse, plus légère que la céramique produite aux Pays-Bas. Conséquence bienheureuse : la vaisselle hollandaise va elle-même s’affiner. On chuchote que cette production asiatique serait à l’origine de la fameuse – et non moins fabuleuse –  » faïence de Delft  » !

Réaction fort naturelle : l’esthétique asiatique va imprégner la production picturale hollandaise. Les artistes puisent copieusement dans ce nouveau répertoire de motifs qu’offrent les bibelots et autres curiosités asiatiques pour composer des natures mortes à la fois originales et empreintes de modernité. En outre, la bourgeoisie voulait absolument se faire immortaliser au milieu de tout ce nouveau luxe dont le maître mot était  » exotisme « … Les collectionneurs prennent la pose au milieu de leurs potiches ou statuettes chinoises. Certains peintres étaient d’ailleurs reconnus pour leur capacité à représenter la texture de la porcelaine brillante. Le snobisme absolu ? Se faire tirer le portrait en présence de ses objets, vêtu d’une  » robe de chambre  » en soie (soit une longue et ample veste de type  » kimono « ). La confusion est totale.

Notons enfin que l’exposition n’a pas pour objectif d’évoquer le rôle de la compagnie quant à la question – toujours délicate – des colonies. Néanmoins, plusieurs ouvrages éclairant la complexité de ces rapports Occident/Orient (ainsi que le passé colonial du pays) sortent de presse au même moment.

L’Asie à Amsterdam. Luxe au Siècle d’or, auRijksmuseum, à Amsterdam. Jusqu’au 17 janvier 2016. www.rijksmuseum.nl

Gwennaëlle Gribaumont

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