Si terribles, ces  » digital natives  » ?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Impatients, volatils, rebelles… Quand les moins de 30 ans arrivent dans l’entreprise, ils bouleversent les codes.

Ils ont moins de 30 ans, sortent d’écoles commerciales ou ont étudié le développement logiciel, la programmation informatique, le graphisme, la communication Web… Rompus aux nouvelles technologies, les  » digital natives  » (DN) débarquent à peine sur le marché du travail.

Mais l’arrivée de cette nouvelle  » tribu  » nourrie à l’Internet ne se fait pas toujours en douceur. Pour preuve, ils agacent passablement les managers. Trop arrogants, immatures, les DN arrivent en retard au boulot, restent branchés en permanence sur leur iPod, conversent sur Facebook pendant les heures de travail…  » Certains hésitent même à signer quand une société leur propose un BlackBerry au lieu d’un iPhone « , affirme Brice Le Blévennec, président de l’agence Emakina, spécialisée dans les stratégies numériques des entreprises. Ces nouveaux arrivants font râler jusqu’aux DRH. Ils supporteraient mal l’autorité des  » petits  » chefs ; ils exigent des responsabilités, de l’autonomie, des missions motivantes ; ils n’hésiteront pas à aller voir ailleurs à la moindre frustration ; refuseraient la course au  » toujours plus  » – d’argent, de pouvoir.

Les DN se distinguent en effet par leur comportement au sein de l’entreprise. Ainsi, crise ou pas, ils se montrent plus revendicatifs et plus exigeants envers leur employeur que la génération X (les plus de 30 ans). Car, contrairement à leurs aînés, ils ne cherchent pas la réussite sociale à tout prix. L’important, pour eux, ce n’est pas qu’ils travaillent, mais pourquoi ils travaillent. Autrement dit, ils veulent s’éclater au boulot.  » Ces jeunes salariés aiment avoir des contacts avec leurs supérieurs, ils aiment qu’on les rencontre, qu’on les écoute. La différence, c’est qu’ils n’obéissent pas à un ordre parce qu’on le donne. Ils veulent comprendre le « pourquoi », et n’hésiteront pas à poser des questions s’ils ne voient pas le bien-fondé d’une directive « , explique Julien Pouget, consultant RH et fondateur du blog La Génération Y.  » Ces jeunes se lassent vite de la routine. Il faut constamment les stimuler et leur donner des nouveaux défis « , poursuit un cadre d’entreprise, qui peine à les supporter. Prêts à démissionner sur-le-champ, suite à une altercation concernant une absence injustifiée, ne respectant pas les horaires, ils sont les premiers toutefois à se défoncer dès qu’ils se passionnent pour un sujet. Ces zappeurs restent alors fidèles au manager qui sait les motiver, leur faire confiance, voire… les materner.

Génération culottée ?

Communicateurs nés, les  » digital natives  » ne se gênent pas non plus pour exprimer leur mécontentement, n’hésitent pas à débarquer dans le bureau de leur supérieur pour commenter ou critiquer une décision, quelles que soient leurs compétences.  » Ce n’est pas un acte réfléchi : cette génération qui a été élevée dans le « peer to peer » (NDLR : le pair à pair) ne connaît pas d’autre modèle « , répond Julien Pouget. De fait, les  » digital natives  » sont le fruit de l’environnement dans lequel ils ont grandi : ils travaillent en réseau, à égalité, sans qu’aucun d’eux puisse dire :  » Je suis meilleur que l’autre.  » Ils exigent donc du partage. Gare au chef qui ne partage pas sa science ! Ils exigent aussi de la transparence dans tous les rouages de l’entreprise.  » Dans les entreprises traditionnelles, le savoir, associé au pouvoir, circule de manière verticale. Les réseaux sociaux, qui partagent le savoir, viennent bouleverser la donne « , constate David Fayon, expert en technologies numériques (1). Et n’espérez plus, dorénavant, payer différemment deux personnes qui font le même travail. Ils se disent tout, se racontent tout…

 » Aujourd’hui, les sociétés sont obligées de revoir tous leurs processus de ressources humaines pour favoriser la transparence « , assure Brice Le Blévennec. Désorientés, les 50-55 ans, qui tiennent les rênes de l’entreprise, résisteraient au changement de peur de devoir modifier leur mode de fonctionnement. Pis : pour gagner le respect de ces nouvelles recrues, le manager doit faire la preuve de son efficacité et de ses compétences. Un titre ou une fonction ne suffit plus.

Mais, eux, qu’apportent-ils à l’entreprise, au-delà de l’enthousiasme et de la créativité, qualités qu’on leur prête volontiers ? Les DN ont un atout : ils maîtrisent à fond les nouvelles technologies, de plus en plus déterminantes dans le monde de l’entreprise. Très réactifs, ils seraient souvent plus efficaces et coopératifs. Ils sont surtout prêts à mobiliser les ressources de leurs réseaux pour obtenir les meilleures réponses.  » Cette génération est un moteur de transformation. Elle va obliger les entreprises à être plus souples, plus démocratiques, et cela aura des retombées sur tout le monde « , avance Julien Pouget, consultant RH et fondateur du blog La Génération Y. Les irréductibles ne devraient plus tarder à succomber.

(1) Réseaux sociaux et entreprises : les bonnes pratiques, Pearson.

SORAYA GHALI

 » Certains hésitent à signer quand l’entreprise leur propose un BlackBerry au lieu d’un iPhone « 

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