Les recherches sur les origines du christianisme ont ouvert des perspectives nouvelles : sur la succession de Jésus, le rôle des apôtres, les rivalités au sein de la communauté judéo-chrétienne… Le point sur les découvertes les plus récentes.
En avril 30 ou 33 de notre ère, Jésus de Nazareth, prédicateur itinérant depuis trois ans, est arrêté, jugé, condamné et exécuté sur ordre des autorités romaines. Le prophète et guérisseur galiléen, qui annonçait l’imminence du » Royaume de Dieu « , ne laisse qu’une poignée de disciples, tous juifs, dans la province reculée de Palestine. Deux siècles plus tard, le christianisme est répandu dans tout l’empire romain et dans toutes les classes sociales, même s’il est encore minoritaire. Il est particulièrement présent dans la partie orientale de l’empire – Syrie, Asie mineure, Egypte – et à Rome. Il se distingue alors d’un judaïsme qui se reconstitue non sans mal après la catastrophe de l’an 70 – destruction de la ville et du temple de Jérusalem par Titus – et celle de 135 – répression de la révolte du » messie » Bar Kochba -, même si la séparation entre juifs et chrétiens n’est pas partout définitive, comme le révèle la recherche actuelle.
Comment en est-on arrivé là ? A quel moment le groupe initial est-il devenu » chrétien » ? Quel rôle a réellement joué, après la crucifixion du rabbi de Nazareth, l’apôtre Simon Bar-Jona, surnommé » Kephas » (Pierre) par Jésus, toujours cité en premier de la liste des » Douze » ? Que sait-on aujourd’hui de Jacques le Juste, » frère de Jésus « , chef de la première communauté de Jérusalem, figure effacée par la tradition chrétienne ? Et du diacre Etienne, Judéen chrétien de langue grecque, considéré comme le premier martyr de la chrétienté ? Et de Simon de Samarie, dit » Simon le Magicien « , baptisé par Philippe et dénigré dans les Actes des apôtres pour sa vénalité ? Surtout, quel regard porter sur Saul de Tarse (Paul), l’ex-pharisien reconverti en fou du Christ, le persécuteur de chrétiens devenu missionnaire de grand chemin ? Contesté pendant toute sa vie, Paul a été élevé au rang de héros-fondateur du courant qui donnera au christianisme sa pérennité et sa dimension universaliste.
Les historiens n’ont pas la tâche facile : né d’une réforme refusée du judaïsme, le mouvement paléochrétien n’a laissé pour traces que des écrits. Pas de vestiges, pas de reliques, pas d’images. Les origines du christianisme sont difficiles à retracer. Non seulement parce que la documentation est partielle et partiale, mais aussi parce que » l’historiographie est abondante, à tel point que sa maîtrise totale relève aujourd’hui de l’exploit olympique « , avoue l’historien Simon Claude Mimouni, spécialiste du mouvement chrétien dans l’Antiquité. Appelés à interroger les sources jusque dans leurs incohérences, les exégètes sont confrontés au poids de la tradition chrétienne et à des siècles d’interprétation.
Si leurs enquêtes laissent, aujourd’hui encore, beaucoup d’énigmes non résolues, elles nous éclairent sur des aspects longtemps laissés dans l’ombre et parfois encore controversés : la » succession dynastique » de Jésus, les rivalités au sein du mouvement chrétien naissant – » hébreux » contre » hellénistes « , famille du prophète face aux » Douze « , vrais apôtres opposés aux » faux prophètes « … – et, plus largement, les antagonismes entre judéo-christianisme jérusalémite, christianisme johannique, paulinien, hellénistique… De même, on connaît mieux désormais la diversité du judaïsme au Ier siècle et l’environnement politique et religieux romain dans lequel s’est développée la pensée chrétienne. Voici, grâce aux recherches les plus récentes, des clés pour comprendre l’après-Jésus.
Un dossier d’Olivier Rogeau
Les historiens nous éclairent sur la personnalité de Simon-Pierre, de Jacques le Juste, de Paul de Tarse