Brusque poussée de fièvre régionaliste chez les libéraux et les socialistes wallons. La Communauté française en alerte de niveau 3 : la menace reste » possible et vraisemblable « .
Elle va finir par croire qu’on lui en veut. Qu’on souhaite décidément sa mort. La Communauté française a l’habitude de craindre pour ses vieux jours. Mais cette fois, deux contrats ont été lancés sur sa tête, à partir de deux familles politiques différentes, et non des moindres. Ça commence à sentir le sapin.
Le premier commando à avoir dégainé et ouvert le feu sur l’institution francophone était vêtu de bleu, couleur de la bannière libérale. Il a soigneusement choisi le moment pour frapper : le 18 septembre, veille des fêtes de Wallonie. Deux parlementaires wallons, Pierre-Yves Jeholet et Jean-Luc Crucke, appellent ouvertement à liquider la Fédération Wallonie-Bruxelles dont ils jugent l’utilité douteuse, au profit d’une Région wallonne plus autonome, en pleine possession de ses moyens.
Emoi dans le landerneau politique francophone. On s’interroge sur le mobile précis de l’agression, alors que le duo n’est nullement inquiété au sein même de son propre parti, le MR, pourtant héritier de » la nation francophone » chère à feu Jean Gol. Non pas que tous les libéraux applaudissent ce coup d’éclat. Mais aucun n’a de mots durs à l’égard des deux francs-tireurs régionalistes.
Un mois plus tard, seconde salve en direction de la même cible. Cette fois, ils sont trois à flinguer la Communauté française. Encore des parlementaires wallons, qui opèrent aussi à visage découvert. Le trio porte la casaque socialiste. Christophe Collignon, Pierre-Yves Dermagne et Nicolas Martin ont à leur tour frappé. Grosso modo, c’est la même volonté d’en finir avec une institution francophone qui nuirait aux intérêts et à l’épanouissement de la Wallonie.
Nouvelle commotion. Et un flot d’interrogations après cette double sortie fracassante et quasi simultanée qui présente plus d’un trait commun. Le modus operandi a été identique : l’emploi de la carte blanche publiée par voie de presse. Qu’ils soient socialistes ou libéraux, ceux qui sont sortis du bois n’ont rien de briscards attardés du combat régionaliste. Sans avoir la carrure des ténors habilités à commanditer les coups de main, ils ne sont plus des seconds couteaux : parmi les assaillants figurent Jeholet et Collignon, deux chefs de groupe au parlement wallon. Pas rien. Et si au MR comme au PS, les sommets des partis ne couvrent pas officiellement de tels actes, ils ne les désavouent pas non plus.
Les coups ainsi portés depuis deux fronts différents secouent l’institution francophone. La simultanéité des offensives et la puissance de feu des deux principaux partis francophones d’où sont venues les attaques, font craindre le pire.
Le mobile de ces régionalistes wallons, fiers de l’être et de le proclamer, glace les francophones qui restent partisans du maintien de l’union forte et indéfectible entre Wallons et Bruxellois. Certes, ceux qui déclarent vouloir la perte de la Communauté française jurent n’avoir que des intentions pures : c’est par souci de cohérence et de simplification qu’ils songent à rayer la Fédération Wallonie-Bruxelles de la carte institutionnelle, plus précisément à la dépecer de ses compétences, enseignement, culture, RTBF, pour les faire passer dans le giron de la Wallonie. C’est par volonté d’efficacité qu’ils disent vouloir se débarrasser d’un niveau de pouvoir jugé énergivore, budgétivore.
Ceux qui s’accrochent à cette Communauté française iraient à contre-courant de l’histoire et d’un fédéralisme mature. L’avenir est aux Régions : wallonne, flamande, bruxelloise, germanophone. Lentement mais sûrement, Wallons et Bruxellois vivent leur vie, en empruntant des chemins différents. Il serait bon et sain de prendre de la distance pour mieux se retrouver sous une coupole allégée qui maintienne l’indispensable solidarité entre francophones.
L’argument ne percute pas chez tout le monde. Alors que le ministre-président de la FWB, Rudy Demotte (PS), gardait son sang-froid et invitait au calme, le sang de Joëlle Milquet (CDH) ne fait qu’un tour : quel cadeau à la N-VA que d’offrir ce spectacle de la désunion intra-francophone, s’indigne la bouillante ministre francophone de l’Enseignement.
Bart-la-Menace ? Le 11 juillet, jour de la fête flamande, le président des nationalistes flamands confiait à la presse ses préférences : » Le mieux est encore d’attendre que les Wallons demandent eux-mêmes plus d’autonomie. » Voilà, c’est fait.
Pierre Havaux