» L’Union fait la force. » Cet été, les deux plus belles collections de Wallonie – celles de Liège et de Tournai – conjuguent leurs atours… et ça vaut le détour ! Regards croisés entre deux collections qui se font du pied.
Décidément, les musées des Beaux-Arts de Liège et de Tournai semblent plus complices que jamais. Un premier flirt avait déjà porté ses fruits en 2014 : on se souvient de la fabuleuse exposition de dessins de jeunesse de James Ensor. L’institution tournaisienne avait alors envoyé ses précieux croquis en pays mosan. Forte de cette expérience, la » ville aux cinq clochers » renouvelle ses voeux. Aux commandes de cette récidive soigneusement orchestrée, Jean-Pierre De Rycke. Le conservateur du musée des Beaux-Arts de Tournai propose des chassés-croisés pertinents, subtils ou encore surprenants qui renouvellent notre regard sur ces oeuvres.
Les villes de Liège et de Tournai étaient véritablement faites pour se rencontrer. Aux marges du territoire francophone, ces deux entités partagent plus que de simples affinités : traversées par un fleuve (la Meuse et l’Escaut), toutes deux présentent une identité imprégnée d’alliances transfrontalières. En outre, leurs musées des Beaux-Arts – conservant chacun des oeuvres majeures d’artistes de premier plan – ont été construits, sensiblement, en même temps.
Même leurs collections devaient se lier d’amitié. Les deux fonds sont complémentaires : la chronologie de leurs noyaux durs permet d’embrasser l’histoire de la peinture européenne depuis ses premières manifestations en rupture avec la tradition académique, soit le milieu du XIXe siècle, jusqu’aux derniers développements plastiques précédant la Seconde Guerre mondiale. L’une s’inscrit naturellement dans le prolongement de l’autre : la collection de Tournai focalise l’attention sur l’art moderne (le réalisme, l’impressionnisme, le symbolisme…), celle de Liège se concentre davantage sur l’avant-garde du début du XXe siècle (le cubisme, l’expressionnisme, le surréalisme…).
Conversations silencieuses
L’idée de confronter deux collections n’est pas une révolution. En 2014, les ensembles liégeois se frottaient déjà aux oeuvres de la collection Belfius (Un siècle de peinture belge) mais aussi à celles de la collection du musée des Beaux-arts de Lettonie (Impressions et Parallèles). Ces initiatives ont permis de révéler la richesse inexplorée des réserves.
Le propos de cette nouvelle exposition, titrée Jeux de miroir, est né du rapprochement – qui fit » étincelle « , dit-on – entre deux tableaux de représentation officielle. Deux oeuvres significatives, signées à plus d’un siècle d’intervalle, des plus prestigieux conquérants français de Liège et de Tournai : Louis XIV par Charles Le Brun (1667) et Napoléon Bonaparte par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1803).
Au-delà de leur qualité esthétique, il se trouve absolument passionnant de comparer, selon les pratiques iconographiques en usage, ces fleurons de la propagande. Fougue et militarisme d’un côté. Pondération et attitude pacificatrice de l’autre. Et pourtant, malgré leurs apparentes divergences, ces portraits partagent bel et bien quelques ressemblances. Les souverains sont tous deux immortalisés dans leur jeunesse – 30 ans pour Louis XIV, 34 ans pour Bonaparte – et en pleine possession de leurs moyens. Enfin, ils apparaissent dans des mises en scènes, plus ou moins théâtrales, mais strictement codées.
Cette première conversation entre des tableaux provenant des deux collections encourage d’autres dialogues inédits. Soit le sujet de cette exposition, qui réunit une centaine de tableaux, organisée en quarante thématiques originales (aux titres souvent poétiques).
La sélection établit des passerelles explorant tous les grands archétypes de représentations qui traversent l’histoire de la peinture occidentale. Ainsi, paysages, compositions florales, natures mortes, portraits de famille et autres typologies se répondent dans un jeu de miroir captivant.
Enfin, il n’est pas inutile de souligner que ce bel ensemble sera présenté à partir du mois d’octobre prochain – dans une version quelque peu réaménagée – au musée des Beaux-Arts de Tournai. A vos agendas !
Jeux de miroir. 100 chefs-d’oeuvre rassemblés, de Liège et de Tournai, au musée des Beaux-arts de Liège (BAL). Jusqu’au 13 septembre. www.lesmuseesdeliege.be
Par Gwennaëlle Gribaumont