Questions sur des maisons normandes
Dans le cadre de ses investigations sur le financement de la campagne présidentielle de 1995, le juge Van Ruymbeke s’intéresse au patrimoine immobilier de l’ex-Premier ministre et de son épouse.
Edouard Balladur, toujours sensible aux bonnes manières, risque de trouver la procédure choquante : le juge Renaud Van Ruymbeke, chargé d’enquêter sur l’existence d’éventuelles rétrocommissions liées à divers marchés d’armement dans les années 1990, s’intéresse désormais à son patrimoine immobilier à la même époque.
Selon nos informations, le juge et la police enquêtent sur la façon dont Edouard Balladur a acquis une demeure à Tourgéville (Calvados), un an après son échec à l’élection de 1995. A y regarder de plus près, c’est en réalité son épouse, Marie-Josèphe, qui a acheté cette propriété, le 13 juin 1996. La maison, avec vue sur mer, comprend 13 pièces, dont 5 chambres, ainsi qu’une salle de projection, 4 salles de bains, un tennis et une piscine carrelée en mosaïque.
En 1996, Marie-Josèphe Delacour, épouse Balladur, débourse donc 7,3 millions de francs français, soit un peu plus de 1 million d’euros. L’achat, conclu devant deux notaires parisiens, est réglé comptant, sans recourir à un prêt, ce qui est parfaitement légal. Un homme dit avoir permis le rapprochement entre les vendeurs et le couple Balladur : Thierry Gaubert, alors collaborateur de l’ex-Premier ministre, aujourd’hui mis en examen dans le volet rétrocommissions du dossier.
Un autre point ne manque pas de surprendre dans cette opération immobilière : à la même époque, le couple Balladur et ses quatre fils disposent déjà d’une autre résidence pour passer leurs vacances en Normandie ! Marie-Josèphe Balladur possède en effet, toujours sous son nom de jeune fille Delacour, une deuxième villa, au c£ur de Deauville. Cette jolie maison ancienne, baptisée Grany Lodge, comporte une dizaine de pièces.
En septembre 1998, Marie-Josèphe Balladur revend Grany Lodge. Montant de la transaction : 3,7 millions de francs français. L’acheteur paie comptant, lui aussi. La famille Balladur conserve alors l’immense maison du mont Canisy, à Tourgéville. L’ancien chef du gouvernement apprécie ce lieu paisible et cossu, souvent cité dans ses biographies. Il en parle avec plaisir, vantant les mérites de la côte normande, son atmosphère feutrée et élégante.
Quelques années plus tard, le 28 février 2005, son épouse finit tout de même par céder ce petit paradis à un couple, propriétaire d’une grande surface. Montant de la vente, à nouveau réglé comptant : 1,735 million d’euros. Une bonne affaire pour les nouveaux propriétaires, car la plus-value réalisée par l’épouse d’Edouard Balladur (600 000 euros en neuf ans) paraît assez modeste.
Le juge Van Ruymbeke, lancé dans le décryptage de divers contrats d’armement, n’est pas censé enquêter sur les fluctuations – même étonnantes – des prix de l’immobilier normand… Il peut, en revanche, vouloir entendre l’épouse d’Edouard Balladur, désormais âgée de 77 ans, pour comprendre l’origine des fonds ayant permis l’achat de la fameuse demeure de Tourgéville en 1996.
JEAN-MARIE PONTAUT
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