Quatre as du je

Les narcisses compulsifs offrent plus d’un visage. A chaque type, sa vision de lui et sa manière de l’imposer aux autres.

Le compétiteur

Il est souvent exaspérant tant, à l’entendre, il fait tout mieux que tout le monde ! Vous jouez au tennis ? Lui aussi – mais son revers est plus joli. Vous avez aimé un livre ? Il l’a lu avant vous, et son opinion est forcément plus riche que la vôtre… Car, l’essentiel, chez lui, est moins le désir de briller que la volonté d’être, toujours, le premier. Refusant l’idée même de l’échec, le compétiteur ne conçoit d’autres rapports humains que ceux dictés par la rivalité et la domination. On imagine aisément les dégâts que cette attitude peut engendrer dans une entreprise qui favorise de tels comportements, en particulier chez certains commerciaux – des  » killers  » sans limites, persuadés que la vie se limite à cette alternative : tuer ou être tué. Le compétiteur vit donc sous une pression interne permanente, motivante pour lui-même et épuisante pour les autres,  » admiratifs, parfois fascinés par cette énergie… qui finit toutefois par être invivable au quotidien « , note Laurent Schmitt. D’autant que, sur le plan familial, le compétiteur fait des ravages. Comme pour ce médecin, lui-même fils de médecin, à qui son père avait inculqué l’idée que,  » quand tu es deuxième, tu n’intéresses personne « , et qui a fini en dépression parce qu’il avait moins de patients que papa.

Le flamboyant

Son côté m’as-tu-vu suffit pour qu’on l’identifie au premier coup d’oeil : chemise à la mode, lunettes de soleil branchées, il (ou elle !) adore exhiber son smartphone dernier cri, sa voiture hors de prix, voire… ses enfants comme s’il s’agissait d’un objet parmi d’autres. Il aime se mettre en scène et briller en permanence, quitte, parfois, à exprimer son ego en s’effaçant, au moins en apparence, derrière un autre – une fraîche et jolie maîtresse ou un jeune éphèbe… Bernard Tapie en est l’archétype, comme le fut en son temps Alma Mahler, qui, après un premier mariage avec l’illustre musicien, a successivement vécu avec Walter Gropius, fondateur du Bauhaus, le peintre Oskar Kokoschka et enfin l’écrivain Franz Werfel. Mais il arrive aussi que le narcissisme de l’un renforce celui de l’autre. On a affaire alors à un  » couple de flamboyants  » tels… Bernard-Henri Lévy et Arielle Dombasle !

Le discret

Il avance masqué, mais qu’on ne s’y trompe pas : derrière une apparente simplicité se cache une vision grandiose de lui-même. A l’école, il se met au fond de la classe, persuadé que le maître va le repérer dès la première leçon. Adolescent, il ne fait jamais le premier pas, convaincu que ses qualités se verront sans même qu’il ait à les montrer. Un peu comme ces  » vieilles filles qui espèrent, jusqu’à la fin de leur vie, que le Prince charmant vienne enfin les enlever à leur vie médiocre !  » ajoute Laurent Schmitt. D’où, souvent, un sentiment de frustration, d’orgueil blessé qui peut entraîner le timide dans une profonde dépression tant il a l’impression d’être incompris par le reste du monde. Pis : même s’il lui arrive – parfois – d’être enfin reconnu à sa  » juste valeur « , cela ne dure généralement pas très longtemps, puisque  » aucun regard, si amoureux soit-il, ne peut être à la hauteur de celui qu’il porte sur lui-même « , précise le spécialiste. La vie de cet idéaliste discret, insatisfait et orgueilleux, n’est décidément pas un long fleuve tranquille…

Le manipulateur

Dangereux, il ne recule devant rien pour arriver à ses fins. Jusqu’à instrumentaliser ses proches qui sont, à ses yeux, moins des êtres humains (comme lui) qu’un moyen, voire un tremplin pour sa propre réussite. C’est ce bon copain que vous faites entrer dans votre entreprise et qui, plus tard, va profiter de votre congé maladie pour vous piquer le dossier sur lequel vous travailliez, tout en assurant qu’il n’est pour rien dans tout cela ! Ou encore, ce  » meilleur ami  » prêt à tout pour consoler votre femme, y compris à coucher avec elle, pas pour vous nuire mais parce qu’elle était malheureuse… Très intelligent, il n’hésitera pas à user de sa (très grande) capacité de séduction pour s’assurer une emprise réelle sur son entourage. En cela, il se rapproche du pervers narcissique, dont il partage la capacité de nier l’autre comme sujet. A un détail près : lui, au moins, n’éprouve pas de jouissance à faire du mal…

Par Vincent Olivier. Illustrations : Antoine Moreau-Dusault

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