Chaque mois, c’est pareil : les directeurs de 40 maisons de repos, tirées au sort, s’apprêtent à accueillir les inspecteurs de l’Inami (Institut national d’assurance maladie-invalidité). Ces quatre médecins et infirmiers envoyés par les mutuelles descendent vérifier, sur le terrain, si l’argent de l’Inami est utilisé correctement. » Quand ils arrivent, c’est toujours le stress « , reconnaît un directeur. Ces inspecteurs investissent les lieux durant de longues heures et rencontrent au moins 50 patients dans les plus grandes maisons. Le but ? S’assurer qu’ils sont classés dans la bonne catégorie de l’échelle de Katz, qui détermine leur degré d’autonomie… et le montant que l’Inami paie pour les soins dont ils ont besoin. Si les patients sont fortement surclassés ou sous-classés, la maison de repos qui les abrite est aussitôt privée d’une partie de son enveloppe financière.
» Etes-vous incontinente, Madame ? Quel est le nom du roi des Belges ? Quel âge avez-vous ? Pouvez-vous vous déplacer facilement ? Vous laver seule ? » Cette conversation à bâtons rompus avec chaque patient doit permettre aux médecins et infirmiers de passage de se faire une idée de son état. » On procède à cet examen sans avoir préalablement regardé le dossier médical du résident, précise Alain Girboux, médecin-conseil et responsable du Collège médical du Hainaut. Ensuite, nous discutons de son classement avec l’infirmière de la maison. De petites variations dans l’analyse sont normales. En situation de désaccord, le service des soins de santé de l’Inami vérifie aussi si les normes de personnel sont respectées. Si tel n’est pas le cas, d’autres sanctions financières tombent. Mais, avec le temps, il y a de moins en moins de divergences de vues sur le classement. Nous sommes bien accueillis : les directions ont envie que le contrôle se passe bien. »
Les gestionnaires des maisons ne voient pas les choses de la même manière. » Ces inspecteurs sont de vrais gestapistes, lance l’un d’eux. Ils ne connaissent pas les patients et les jugent en quelques minutes à peine. » Et quand un patient répond » Albert » à la royale question, il ne parle pas toujours du bon…
Sur les 200 maisons contrôlées au premier semestre, 36 ont été sanctionnées : le classement de leurs patients était surévalué de 8 %. » Il est impossible de savoir si la fraude est intentionnelle ou pas, reconnaît Daniel Crabbe, conseiller général à l’Inami. Mais j’ai l’impression que 5 à 10 % des directions ne sont pas correctes. »
L.v.R.