PS liégeois cherche jeunes talents

Avec une moyenne d’âge des mandataires dépassant allègrement les 50 ans, le PS liégeois ne cultive pas spécialement les jeunes pousses. Mais cela devrait changer : une série d’espoirs se profile, mieux soutenue qu’avant par les leaders. Les socialistes n’ont pas le choix : ils doivent se renouveler en vue des prochaines élections.

On ne dirait pas, comme ça. Très peu de tempes grisonnantes, à peine quelques rides, toujours de grandes ambitions, comme s’ils avaient l’avenir politique devant eux. Pourtant, c’est plutôt dans le rétroviseur que les élus socialistes liégeois peuvent désormais regarder. Certes, beaucoup ont encore un bout de carrière à parcourir avant la retraite, puis l’homo politicus ne s’est jamais préoccupé de l’âge de sa pension, qu’il soit fixé à 65 ou 67 ans. Mais les statistiques parlent d’elles-mêmes.

Moyenne d’âge au conseil communal de la Cité ardente : 56 ans. Moyenne d’âge des bourgmestres de l’arrondissement : 55,5 ans. Moyenne d’âge des conseillers provinciaux : 59 ans. Moyenne d’âge des députés régionaux : 50,5 ans. Moyenne d’âge des députés fédéraux : 48 ans. De tous les élus siégeant ici ou là, 12 ont dans la quarantaine. Des trentenaires ? A peine deux. Et une seule a la vingtaine…

Le PS liégeois aurait-il loupé une (ou plusieurs) génération(s) ?  » Tout dépend où on place la barre de la jeunesse !, s’amuse le député fédéral Frédéric Daerden (45 ans). Il y a beaucoup de jeunes au PS, mais forcément ils n’ont pas la même visibilité. Puis il ne faut pas non plus être obsédé par un renouvellement permanent, ce qui est important, c’est la diversité des âges.  »  » On a quand même diminué la moyenne d’âge ces dernières années, estime la députée régionale Christie Morreale (38 ans). Puis, se faire élire à 20 ou 30 ans, c’est quand même peu courant.  »

Les socialistes les plus influents en Cité ardente (notamment le fameux club des cinq constitué de Willy Demeyer, André Gilles, Stéphane Moreau, Jean-Claude Marcourt et Alain Mathot) ne se partagent pas le pouvoir depuis si longtemps que cela. Durant les années 2000, feu Michel Daerden était encore le roi des bords de Meuse. Alors pourquoi se chercher des successeurs alors qu’ils goûtent à peine à leur position dominante et qu’ils sont dans la fleur de l’âge ?

Deux chantiers : les jeunes et les femmes

N’empêche, une prise de conscience se dessine. Une relève ne se prépare pas du jour au lendemain. D’autant que les jeunes se tournent de moins en moins vers la politique.  » Il est plus compliqué de les attirer vers la politique, observe la ministre régionale Isabelle Simonis. Une partie d’entre eux se détourne des partis traditionnels pour s’investir différemment.  » Dans des associations, des mouvements sociaux, pour la défense de causes environnementales, etc.

Ou dans des partis émergents. Le PTB n’a pas de souci à séduire les moins de 30 ans…  » Peut-être le PS souffre-t-il encore de toutes les affaires qui avaient éclaté par le passé. Peut-être les jeunes voient-ils les hommes politiques actuels comme des personnes assez âgées, dont ils ne se sentent pas proches « , avance Zoé Istaz-Slangen, présidente de la section liégeoise des Jeunes socialistes.

 » La politique, c’est plus difficile, plus complexe qu’avant, juge Willy Demeyer, bourgmestre de Liège et président de la Fédération liégeoise du PS. Pour l’instant, on voit bien que les gens hésitent devant des postes à responsabilités.  » Du moins en tant que mandataires. Car des jeunes pousses n’hésitent pas à se recaser dans le monde entrepreneurial ou parapublic. Comme les talents du cabinet Marcourt, tels Julien Compère (devenu administrateur-délégué du CHU) ou Gaëtan Servais (directeur général de Meusinvest).

Pour contrer ce désintérêt, la Fédération a lancé deux chantiers prioritaires : davantage de places réservées aux femmes, plus d’espace laissé aux jeunes. Notamment en leur offrant des sièges permanents au sein du comité exécutif, l’organe décisionnel. Aussi en leur prêtant une oreille plus attentive qu’auparavant.  » On est soutenu par nos aînés, assure Jonathan Dawance, ancien président liégeois du mouvement national des Jeunes socialistes. C’est vrai que ce n’était peut-être pas le cas de mes prédécesseurs « .  » Willy est très ouvert à notre égard, abonde Zoé Istaz-Slangen. Mais il y a encore un vrai travail à faire au niveau de la jeunesse. C’est un véritable défi qui attend le parti « .

Les élus les plus anciens le crient tous haut et fort : leur vivier de successeurs potentiels est bien rempli.  » Frédéric Daerden et Alain Mathot sont des mandataires confirmés en passe de jouer les premiers rôles. Tout comme Christie Morreale et Julie Fernandez Fernandez « , pointe Willy Demeyer. Voilà pour le réservoir de quadragénaires (ou presque).

Plus bas dans la pyramide des âges, le nom qui revient le plus souvent est celui de Déborah Géradon. A peine 29 ans et déjà députée régionale. Ancienne présidente des Jeunes socialistes, diplômée en sciences politiques ( » au grand dam de mes parents ! « ), élue pour la première fois aux communales de 2012 et nommée directement échevine de l’Urbanisme.  » C’est d’abord Willy Demeyer qui m’a remarquée, puis André Gilles. C’est un peu devenu mon parrain politique « , raconte-t-elle.

Seul ou dans l’ombre d’un aîné ?

En 2013 déjà, elle aurait pu devenir députée wallonne grâce au jeu des suppléances, bien que son mandat n’aurait duré que quelques mois. Elle a refusé, ne voulant pas laisser tomber ses compétences scabinales.  » Elle a eu l’intelligence de ne pas se précipiter « , juge Willy Demeyer. Beaucoup la décrivent comme la socialiste liégeoise à suivre. Déborah Géradon en est flattée, mais ne voit pas son avenir tout tracé.  » La politique demande beaucoup de sacrifices personnels et professionnels. Qui en valent la peine quand on parvient à faire changer les choses. Mais si un jour je me rends compte que mon investissement n’est plus suivi d’effets, peut-être que je le repenserai.  »

Autre nom fréquemment cité parmi les jeunes pousses : celui de Zoé Istaz-Slangen. Lors des discours du 1er mai dernier, elle avait été invitée sur l’estrade et avait explosé l’applaudimètre. La jeune femme s’est présentée sur les listes en 2012 et 2014 mais n’exerce pas de mandat.  » Je suis avocate en droit des étrangers, pour l’instant la politique est plutôt un à-côté. Je vis au jour le jour, je n’ai pas de plan de carrière.  »

Et les hommes, dans tout ça ? Gil Simon (39 ans) fait de plus en plus parler de lui. Chef de file de l’opposition à Visé (il a loupé l’écharpe maï orale de peu), il est secrétaire général et membre du comité de direction chez Nethys (ex-Tecteo). Dans la catégorie  » espoirs « , on cite aussi Jonathan Dawance (28 ans), qui travaille au sein de l’intercommunale Intradel et qui n’exerce pas (encore ?) de mandat.

 » Percer en politique est très difficile, aussi bien pour gagner du crédit à l’égard des citoyens que pour se faire connaître à l’intérieur du parti, constate-t-il. Il y a deux écoles : s’accrocher à une locomotive, être le « padawan » d’un mandataire, ou rester le plus indépendant possible par rapport à ses aînés pour pouvoir les « piquer » de temps en temps, ce qui est plus compliqué quand on a prêté allégeance à quelqu’un. C’est cette option là que j’ai prise.  »

Pas de parrain. Il est bien l’un des seuls. Car force est de constater que ceux qui perdurent ont un jour été pris sous l’aile de quelqu’un. Pour Christie Morreale, ce fut celles d’Elio Di Rupo et de Laurette Onkelinx. Celle d’André Gilles pour Déborah Géradon. On devine laquelle pour Alain Mathot et Frédéric Daerden.  » Le parrainage par un aîné est un concept qui mériterait d’être exploré, affirme ce dernier. C’est souvent comme ça que les jeunes percent. Même si, c’est vrai, on peut être accompagné au début, mais jusqu’à un certain point.  » Comprenez : aider à gagner une part de lumière, oui, mais pas si elle commence à faire trop d’ombre.  » Je ressens que je peux être bridée à certains égards, admet Déborah Géradon. Je ne sais pas si c’est de la crainte. C’est aussi de la bienveillance. Je suis épaulée, accompagnée.  » Le plus dur, pour la jeunesse, sera désormais de durer dans ce monde parfois cruel qu’est la politique…

Par Mélanie Geelkens

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