Pourvu qu’elle soit rapide et variée !

Michel Verlinden Journaliste

Fast-food et world food n’en finissent pas de grignoter du terrain. Et voilà de quoi nous régaler : toutes deux se raffinent sous la pression d’une nouvelle culture gastronomique diffusée entre autres par la télé.

C’est l’une de ces contradictions qui nourrissent l’époque. D’un côté, les gourmands compulsifs que nous sommes en apprennent chaque jour un peu plus sur la gastronomie à coups de Masterchef, Top Chef, Comme un Chef, cours de cuisine en tout genre, blogs à gogo et livres de recettes à profusion. De l’autre, le temps nous fait souvent défaut… et nous ne disposons plus des plages nécessaires pour cuisiner comme il le faudrait. On connaît le cortège des raccourcis miracles dans un monde où un plat mijoté relève du fantasme : surgelés – il suffit de voir le démarrage en trombe de la chaîne Picard en Belgique -, cuissons au micro-ondes et plats préparés en moins de 10 minutes top chrono. Surinformation et précipitation, ces deux composantes essentielles de l’homo gastronomicus contemporain, débouchent aujourd’hui sur un profil de consommateur pressé et exigeant, tout en orientant le destin de la scène food. Plus zappeur que jamais, animé par un besoin obsessionnel de nouveauté, le consommateur actuel entend qu’on le surprenne, qu’on modifie en profondeur le contenu de son assiette.

L’industrie du fast-food dégote là une occasion en or de se réinventer. Après Londres, Paris a fait place, en mai dernier, à la première enseigne Chipotle. Imaginé en 1993 à Denver par Steve Ells, ce concept mexicain s’impose comme le second souffle de la restauration rapide. Rachetée en 1998 par McDonald’s, la marque d’Ells a profité de la célèbre multinationale pour acquérir une dimension internationale… avant de poursuivre sa voie en solo dès 2006. Pour une success-story qui, près de vingt années plus tard, aligne 1 080 établissements dans le monde. Le secret de la réussite tient dans le mantra  » Food with dignity  » qui décline des burritos composés à partir d’ingrédients de qualité supérieure – animaux élevés en liberté et produits achetés si possible auprès de fournisseurs locaux. Très prospective, la chaîne développe aussi, depuis 2011, ShopHouse, une version de fast-food aux lignes minimalistes qui puise dans le potentiel énorme de la cuisine du Sud-Est asiatique.

Cette sophistication trouve également un écho dans la world food dite classique. En Belgique, les cuisines d’ailleurs se sont sérieusement spécialisées. Finie l’époque où l’on entrait en famille dans un resto maghrébin pour se rassasier d’un simple couscous. À Bruxelles, une adresse comme le Babdar s’est taillé une belle réputation en revisitant un plat comme le M’rouzia, une préparation pointue servie habituellement lors de la fête de l’Aïd-el-Kébir. Les maisons japonaises qui ont la cote ne sont plus celles qui proposent des sushis ou du teppanyaki mais qui donnent dans le dashi (un bouillon d’algues) ou dans les nouilles de soba (du sarrasin). Ainsi de Kokuban, à Bruxelles, ou de Ninja Noodles, à Namur. La cuisine vietnamienne, quant à elle, ne s’emmêle plus les pinceaux en se perdant dans des emprunts chinois à court terme. Ce qu’on lui demande ? Fournir un vrai Pho – un mot qui se prononce entre  » fa  » et  » feu  » -, soit un potage traditionnel concocté sur une base composée de bouillon, de nouilles et de légumes. Bruxelles peut compter sur le récent PhoPho, entièrement consacré au genre. Même la cuisine turque s’affranchit du kébab avec El Turco, une néo-cantine qui sert des préparations ottomanes  » différentes  » : lokmas – des boulettes de viande dans du pain -, dinde cuite à basse température servie avec des amandes grillées et de la cannelle, riz avec de l’agneau sauté accompagné d’un ragoût de haricots blancs…

MICHEL VERLINDEN

Le consommateur actuel entend qu’on le surprenne…

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