Pour un tiers d’image en plus

Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

Depuis la rentrée de septembre, la RTBF propose son journal télévisé au format 16/9. Progrès ou poudre aux yeux du téléspectateur ?

Informations : le format 16/9 un défi esthétique et technique (www.ebu.ch/trev-272-darmon-fr.pdf

Parce que le marché des téléviseurs au format large est devenu la référence, la RTBF a décidé de se lancer résolument dans le format 16/9.  » Après les trois journaux télévisés quotidiens, la télévision publique annonce qu’elle diffusera un maximum de ses programmes dans ce nouveau format. En réalité, le 16/9 n’a rien de vraiment nouveau. Depuis 1994 déjà, la RTBF diffuse des programmes 16/9 en alternance avec le 4/3.

Mais que signifient ces fractions ? Elles indiquent simplement le rapport entre la largeur et la hauteur de l’image. Pour ses adeptes, un écran qui affiche une image dont la largeur égale les 16/9 de la hauteur est celui qui donne le meilleur rendu de la vision naturelle. Même si l’£il humain est rond, la morphologie du visage fait que notre champ de vision est plus large sur l’axe horizontal que sur l’axe vertical. Le 16/9 couvrirait donc un champ proche du champ humain. Faux, rétorquent les détracteurs du format. En réalité le champ de perception de chaque £il est approximativement circulaire (170° en largeur et 130° en hauteur). Comme notre vision est binoculaire, les champs se recoupent et donnent un grand ovale. Le 16/9 ne répond donc pas aux conditions de la vision naturelle.  » En réalité, explique Christian Raynaud, réalisateur depuis trente ans à la RTBF, la télévision consomme le patrimoine du cinéma et se trouve handicapée pour la diffusion des films dans les écrans les plus divers. On a donc pris la décision d’élargir l’écran de la télévision pour mieux reproduire le cinéma. Telle est l’authentique mobile de passer au 16/9. Il est commercial avant tout. Ce format n’a pas l’ambition de restituer la vision naturelle.  »

Outre l’aspect purement technique ainsi que l’utilisation de nouvelles caméras, la norme  » grand écran  » implique de nouveaux réflexes de travail. Les techniciens doivent apprendre à traiter correctement le supplément d’images (le format 16/9 représente 33 % d’image en plus que le 4/3). Comme les perspectives sont plus importantes, le positionnement des caméras doit être modifié. Elles doivent souvent être placées plus bas afin d’obtenir des fonds d’images plus riches qu’avec une captation normale. De même, les ouvertures d’objectifs doivent être plus importantes pour pouvoir doser plus finement la relation entre l’arrière-plan et l’avant-plan. Plus large, le format 16/9, amène donc un regard nouveau sur la mise en image qui se rapproche de la réalisation cinématographique.

Le rendu d’une image 16/9 dépend, bien évidemment, du téléviseur utilisé. Sur un appareil 4/3 classique, l’image en 16/9 sera affichée avec des bandes noires en haut et en bas. Sur un téléviseur 16/9, elle remplira la totalité de l’écran. A l’inverse, le rendu d’images captées pour une diffusion en 4/3 n’est pas toujours optimal sur les appareils 16/9.  » Avec les JT en 16/9, on nous vole des images, précise Christian Raynaud. L’illustration des JT se fait en grande partie, au moyen des EVN (Electronic Video News) qui nous viennent du monde entier. Or ces images sont encore dans leur grande majorité au format 4/3. On est donc obligé de les retailler. Cela provoque parfois l’apparition de personnages scalpés, voire des déformations par compression verticale pratiquée sans scrupules. Nos chaînes communautaires sont petites et relativement pauvres. Face à ce constat, on peut s’interroger sur le bien-fondé de cette course à la technologie superfétatoire alors que l’on sait bien que le grand public a besoin de contenu plus que d’esbroufe formelle.  »

Vincent Genot

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