Portraits de familles

Elles comptent parmi celles qui ont le plus pesé sur l’économie bruxelloise ou son rayonnement. Peu d’entre elles ont conservé le poids qu’elles ont eu par le passé.

D’IETEREN La septième génération piaffe

Cotée au Bel 20, D’Ieteren est l’une des plus belles success-stories bruxelloises. Ce groupe automobile est l’importateur exclusif des marques Volkswagen, Audi, Seat, Skoda, Bentley, Lamborghini, Bugatti, Porsche et Yamaha. Il a diversifié ses activités en 1999 en mettant la main sur Belron, leader mondial de la réparation et du remplacement de vitres. Résultat : le groupe sert 11 millions de clients dans 34 pays. Le chiffre d’affaires des deux activités affichait 5,5 milliards en 2012.

L’aventure débute en 1805 dans un atelier de la rue du Marais. Jean-Joseph D’Ieteren, charron de formation, y ouvre un atelier où il fabrique des roues en bois pour différents carrossiers. Trois générations se succèdent dans cette activité. Avant que la société n’opère un tournant en 1948 en devenant l’importateur exclusif de VW. La belle histoire peut démarrer.

Aujourd’hui, la sixième génération est toujours au pouvoir, même si elle a laissé les clés de la gestion quotidienne. 57,1 % du capital du groupe est détenu par deux holdings familiaux qui sont entre les mains de l’homme fort du groupe, Roland D’Ieteren (31,99 %), et de sa soeur Catheline, historienne de l’art (25,11 %). Le solde étant détenu par des actionnaires publics.

Roland D’Ieteren (71 ans) est donc celui qui garde un oeil sur le bon fonctionnement de la société en tant que président du conseil d’administration. S’il est l’un des personnages les plus influents du secteur belge de l’automobile, cet homme est toutefois d’une grande discrétion à l’égard des médias. Pour opérer la gestion quotidienne, Axel Miller (ex-Dexia, ex-Petercam) est devenu CEO en août dernier, succédant à Jean-Pierre Bizet. Ajoutons que Pierre-Olivier Beckers (ex-Delhaize) a rejoint le groupe automobile, occupant un siège d’administrateur depuis janvier dernier.

Tournée vers l’avenir, la septième génération est déjà à l’affût. Il faudra faire un choix entre Nicolas D’Ieteren, fils de Roland, et Olivier Périer, fils de Catheline. Ils siègent tous les deux au conseil et ont l’ambition de prendre les rênes de l’entreprise. Personne n’en pipe mot toutefois, la question de la succession étant relativement taboue dans l’entourage des D’Ieteren. Elle arrivera néanmoins d’ici peu sur la table.

VAXELAIRE L’ancien mastodonte de la distribution

Que reste-t-il du groupe GIB, l’ancien géant belge de la distribution géré par les familles Vaxelaire et du Monceau de Bergendal ? Si ses différentes enseignes (Quick, GB, Auto 5, Brico…) sont encore visibles sur notre territoire, il ne reste pratiquement plus rien de l’empire. Le groupe a été complètement démantelé à l’aube des années 2000, plombé par les contre-performances de l’une ou l’autre de ses activités (GB en tête). Les familles actionnaires, qui détenaient encore 15 % des parts, auraient empoché 155 millions d’euros dans l’aventure.

Les origines du groupe remontent à 1860, quand François Vaxelaire rachète à la famille Thiéry le grand magasin de textile Bon Marché, situé rue Neuve. Le premier du genre. Il deviendra assez vite un investissement très rentable. Pour contrer l’apparition des grands magasins situés en périphérie, l’enseigne fusionne en 1969 avec son concurrent L’Innovation, du groupe Bernheim. François Vaxelaire, petit-fils du fondateur, est alors à la manoeuvre. Au fil des fusions, acquisitions et diversifications, les Vaxelaire constituent alors GIB, qui règnera pendant 30 ans sur la distribution. Les du Monceau font leur entrée dans le groupe par le biais du mariage de Rainy Vaxelaire (soeur de Raymond et François) et d’Yves du Monceau. C’est d’ailleurs le neveu de François et fils d’Yves, Diego du Monceau, qui sera l’un des derniers patrons de GIB, avant son démantèlement entre 2000 et 2002.

La descendance est toujours très active, notamment dans le monde des entreprises : Raymond Vaxelaire possède le véhicule d’investissement Kamiclar, qui a des parts dans le Pain Quotidien et New Tree ; Roland Vaxelaire dirige Tensegrety, une société de conseil en stratégie alternative ; Diego du Monceau est administrateur de plusieurs fonds d’investissement (JP Morgan Fund, Altai Invest, E-Capital Management) et siège également au CA d’ING ; Cédric du Monceau est échevin à Ottignies-LLN et emmènera la liste CDH à la Chambre en mai prochain. Quant à la troisième branche familiale de l’ex-GIB (les enfants de feu Raymond Vaxelaire), l’ainé, Georges, est aujourd’hui chasseur de têtes. C’est une famille qui compte toujours dans le microcosme.

DE LAUNOIT On se succède à la Chapelle Reine Elisabeth

Quel est le lien entre une fabrique d’allumettes et la Chapelle musicale Reine Elisabeth ? La famille de Launoit. Au début du XIXe siècle, Cyril se lance comme petit fabricant d’allumettes et de cigares à Grammont. L’affaire marche, sans plus. Son fils Paul entre alors en action et va considérablement développer l’entreprise en rassemblant toute la production belge d’allumettes, avant de diversifier le groupe vers la sidérurgie.

Il fait son entrée dans l’aristocratie en épousant Madeleine Lamarche, fille de l’un des fondateurs de la Fabrique de fer d’Ougrée. Il prend ensuite la tête d’Ougrée-Marihaye, considéré dans l’après-guerre comme la seconde puissance financière de Belgique. Son groupe s’articule alors autour de la Banque de Bruxelles et de ses holdings Brufina et Cofinindus. Il est, à l’époque, l’un des hommes belges les plus puissants.

Mais ce n’est pas tout : Paul de Launoit a également la fibre artistique et musicale. Ce mécène rêve de transformer le château d’Argenteuil, situé à Waterloo, en village d’artistes. Il financera, en partie, la construction de la Chapelle Reine Elisabeth en mettant notamment le terrain à disposition. Ses deux fils poursuivront, avec succès, dans la même veine entrepreneuriale et artistique.

Jean-Pierre connaîtra une belle carrière dans le monde des affaires en prenant notamment la tête de GBL, de la Compagnie des Wagons-Lits, de la Royale Belge et de RTL-TVi. Tous les deux seront impliqués dans le développement de la Chapelle Reine Elisabeth et dans le concours musical du même nom. Ils assureront l’un et l’autre la présidence de l’institution pendant de nombreuses années, Jean-Pierre étant même toujours aux commandes à 79 ans.

Notons que le fils de ce dernier, Bernard, est également impliqué dans le fonctionnement de la Chapelle, en tant que président du comité exécutif. Enfin, la famille, pilier de l’aristocratie, reste encore fortement active dans le domaine du mécénat.

DANDOY Le même appétit depuis 185 ans

C’est un des fleurons de l’artisanat bruxellois. La Maison Dandoy, célèbre pour ses pains à la grecque, pains d’amandes et spéculoos, fête cette année ses 185 ans. Une longévité exemplaire pour ce biscuitier qui connaît ces dernières années une croissance annuelle de 8 à 10 %.  » Nous sommes un des derniers artisans biscuitiers européens, racontait récemment à L’Echo le CEO Bernard Helson. Nous préparons les mêmes biscuits, sur la base des mêmes recettes, depuis six générations. Les matières premières ont certes évolué, mais pas les recettes. Les ingrédients et les dosages sont toujours les mêmes.  »

C’est Jean-Baptiste Dandoy, jeune artisan-boulanger, qui fonde en 1829 la biscuiterie qui porte toujours son nom. Elle était alors installée rue Marché-aux-Herbes, au coeur du vieux Bruxelles, et déménagera, en 1858, pour occuper une maison datant du XVIIe siècle, fleuron de la bien nommée rue au Beurre qui relie la Grand-Place à la Bourse. Les générations vont alors se succéder. L’entreprise connaît un réel essor dans les années 1960, sous la conduite de Valère et Fernande Rombouts-Dandoy et de leur fils Jean.

Aujourd’hui, la biscuiterie est entre les mains de Christine Rombouts-Dandoy, la fille de Jean et Christiane, et Bernard Helson, leur gendre. Ils sont les représentants de la sixième génération. On retiendra que ce sont eux qui ont ouvert le premier point de vente situé en dehors de Bruxelles, à Tokyo.

Aujourd’hui à l’étroit, l’entreprise quittera en avril prochain son atelier de production situé rue du Houblon dans le centre de la capitale pour se diriger vers Woluwe-Saint-Lambert, avenue Ariane. De quoi poursuivre sa belle ascension. Et continuer ce travail méticuleux qui fait son succès, à savoir un mode de fabrication bien particulier où les travailleurs moulent les spéculoos et découpent les pains à la grecque et les financiers à la main.

L’un des prochains objectifs de cette maison familiale sera d’atteindre la barre des 200 ans. De quoi faire partie des Hénokiens, un prestigieux club international des entreprises familiales les plus vieilles au monde. Alors que le fils de Bernard Helson et de Catherine Rombouts-Dandoy, Alexandre, vient à son tour d’entrer dans les affaires. En digne représentant de la septième génération et avec un diplôme d’ingénieur commercial Solvay en poche. La relève paraît donc assurée.

L’empire financier des STOCLET

On parle souvent d’Adolphe Stoclet (1871-1949) et du magnifique palais qu’il a décidé de construire avenue de Tervuren, à Woluwe-Saint-Pierre. Il faut savoir que la fortune familiale a surtout été forgée par son grand-père et son père : Adolphe (1814-1892) et Victor (1843-1904). Tout démarre donc avec Adolphe qui naît à Genval d’un milieu modeste. Il suit des études de droit à l’Université de Liège avant d’exercer son métier d’avocat.

Ce jeune homme ambitieux est très apprécié de la Société générale de Belgique. Sa fonction d’avocat lui met sous le nez quelques dossiers de la Compagnie immobilière de Belgique (le bras immobilier de la SGB), certains particulièrement prometteurs, comme celui de la rénovation des Galeries royales Saint-Hubert. Les délits d’initiés ne font pas partie du vocabulaire de l’époque. Flairant le bon coup, il achète des parts dans cette affaire et dépose un brevet pour le remplacement de la peinture au plomb en faveur d’un nouveau procédé comprenant du zinc. Le choix est judicieux. Le business se développe. Adolphe Stoclet accumule une fortune considérable en royalties.

Toujours à l’affût de bonnes affaires, il anticipe le développement du chemin de fer en investissant dans le secteur avant de devenir directeur de la Société générale de Belgique. Victor poursuivra dans la même veine au sein de la même vénérable maison. A l’époque, la fortune amassée lors de la troisième génération est plutôt colossale (20 millions de francs or en 1892). La famille se retrouvera parmi les trois principales fortunes de Belgique.

Le fils de Victor, Adolphe, financier bruxellois, est l’homme du Palais Stoclet. Cette superbe demeure, dessinée par l’architecte autrichien Josef Hoffmann, deviendra un lieu culturel de haut vol. A la mort d’Adolphe, on procéda à la division du portefeuille d’actions et de l’immense collection familiale (largement vendue depuis), le Palais revenant à la branche de Jacques Stoclet et à ses quatre filles… qui se divisent aujourd’hui sur son sort.

Les WIELEMANS ne moussent plus

Il n’en reste plus que l’hôtel Métropole. Le cinéma et la brasserie ayant fermé leurs portes il y a une quinzaine d’années. L’histoire des familles Wielemans-Ceuppens s’éteint peu à peu. Il s’agissait pourtant d’une belle aventure. Elle débute en 1862 dans un climat d’expansion brassicole. Lambert Wielemans ouvre sa brasserie, qui deviendra à sa mort Wielemans-Ceuppens, du nom de son épouse. Les différentes générations vont faire fructifier l’affaire, notamment Prosper Wielemans, qui lance la première pils.

N’ayant pas réussi à gérer le tournant de la distribution dans les supermarchés, la brasserie fusionne en 1979 avec Artois, avant que l’emblématique bâtiment de production de Forest ne ferme ses portes en 1989 (pour devenir aujourd’hui le centre d’art contemporain Wiels).

Ce succès brassicole s’est accompagné, au fil du temps, d’investissements immobiliers judicieux et de bon goût : l’hôtel Métropole, place de Brouckère, ou encore le cinéma Métropole, situé au dos. Le dernier directeur de la brasserie, Thierry Rotthier, qui a épousé une Wielemans, s’est aujourd’hui retiré des affaires pour couler des jours heureux en Uruguay.

DE PAUW Les barons du béton

Charly De Pauw était l’un des plus importants promoteurs immobiliers bruxellois dans les années 1960 et 1970. Il a considérablement redessiné le quartier Nord. Un de ses projets, à l’époque, était de construire 54 tours dans le quartier. Au grand désarroi des riverains. Des travaux qui ont fait des De Pauw l’une des familles les plus riches de Bruxelles. Elle est toujours propriétaire des fameuses tours WTC.

L’homme était également le roi du parking, avec son vieux complice Claude De Clercq. Les familles De Clercq et De Pauw ont cru dès le début aux parkings urbains, malgré quelques problèmes au démarrage. La société Interparking deviendra vite un vrai succès financier. Aujourd’hui, le petit-fils de Charly De Pauw, Charles, est toujours englué dans un procès lié à l’un des plus importants carrousels à la TVA en Belgique.

La fibre entrepreneuriale des LE HODEY & COPPÉE

Entrepreneur un jour, entrepreneur toujours. Les le Hodey et Coppée pourraient en faire leur slogan familial. Tant ils sont encore présents dans la sphère économique bruxelloise. Certains ayant même encore cette dose d’influence, si rare dans la capitale, qui permet de peser sur une décision.

Que reste-t-il aujourd’hui de l’empire Coppée, la famille par laquelle tout a démarré ? Rien ou presque. Elle fut pourtant un des fleurons de notre économie pendant un siècle. Tout commence au début du XIXe siècle quand Evence Coppée dépose un brevet de fabrication de goudron et développe une activité de transformation chimique. Le groupe va alors se diversifier lors des quatre générations suivantes, se lançant dans des activités de charbonnages, de fabrication de fours à coke, de sidérurgie, de chimie, d’agroalimentaire et de biotechnologie. Un modèle de diversification qui en fera un vrai empire financier.

En 1980, la fusion avec les ciments Lafarge donne naissance au Groupe Lafarge Coppée. Le début de la fin. Les familles se détacheront du groupe au fil des années, à l’exception de Patrice le Hodey qui restera administrateur jusqu’en 2005. Notons que la famille le Hodey est entrée dans le groupe dans les années 1950 par le biais du mariage d’Evence III et de Philippe le Hodey.

Les héritiers sont encore présents dans l’un ou l’autre domaine. Chez les le Hodey, François est la tête du groupe de médias IPM (La Libre Belgique, la DH…), Patrice est administrateur de grandes entreprises et Philippe est actif dans l’immobilier. La famille a également investi dans de nombreuses autres activités telles que la Compagnie du Lit ou Traxxeo. Chez les Coppée, Benoit (Investsud), Evence-Charles (LTKfarma) et Grégoire (Green Attitude) sont tous à la tête d’une société d’envergure, même s’ils sont moins sous les feux de la rampe.

Par Xavier Attout

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