Pour le président du Circle of Police Leadership (CPL), Jean-Louis Dalle, l’évolution de la police doit passer par une nouvelle fusion des zones et un «lifting» de l’image de la profession.
Votre plateforme regroupe des cadres de la police. Quelle direction veulent-ils suivre aujourd’hui?
La priorité aujourd’hui, c’est d’adapter l’échelle des plus petites zones à la réalité. La société change très vite et dans de nombreux domaines. Nous devons nous mettre au diapason et nous montrer beaucoup plus flexibles. Quand nous regardons la situation dans les polices locales, nous constatons que nombre d’entre elles ne disposent pas des moyens nécessaires pour relever ces défis. C’est pourquoi nous devons davantage collaborer. C’est déjà possible sur la base de la circulaire plp 27 (NDLR: portant sur l’intensification et la stimulation de la coopération interzonale) mais la marge de manœuvre reste limitée. Nous devons nous renforcer pour arriver, dans chaque zone, à une capacité plus élevée.
Les violences et les affrontement, comme on a pu en voir dans certains quartiers bruxellois, écornent l’image de la police.
Les zones ont déjà la possibilité de fusionner…
La grande réforme de la police, qui a engendré la fusion de la gendarmerie, de la police judiciaire et de la police communale, date de 2001. Ça fait plus de vingt ans. Depuis, la société a énormément évolué, sur les plans de la technologie, des demandes des citoyens, de la criminalité… Sur ce dernier point, il faut se rendre compte qu’on n’est plus vraiment dans une dimension locale mais bien nationale, voire internationale. Comme le suggère le professeur Jelle Janssens (NDLR: criminologue spécialisé dans les questions d’organisation de la police, UGent), il faudrait aller vers un agrandissement d’échelle pour arriver à des zones d’au moins trois cents policiers. Un autre problème majeur de la police, c’est son manque d’attractivité. Comme n’importe quel employeur, nous devons faire en sorte d’attirer de nouveaux candidats. Sur ce point, un gros effort doit être fourni. Nous devons investir dans notre «marketing». Les violences et les affrontements, comme on a pu en voir dans certains quartiers bruxellois, écornent l’image de la police. Notre métier ne se résume pas à des démonstrations de force. Ce qui est primordial pour nous, c’est de servir chaque jour le citoyen. Le dernier point sur lequel nous avons attiré l’attention des autorités, c’est la nécessité de revoir le mode de financement. Nous disposons aujourd’hui de moyens alloués par les communes et par le fédéral mais, pour le reste, il n’existe pas de financement structurel. Il est important que ce système soit réévalué.
Vous faites allusion à la révision de la norme KUL (lire page 62) dont on parle depuis des années et qu’on ne voit jamais venir. Qu’est-ce qui coince?
Il y a des réticences des deux côtés: du politique, qui s’attend à ce qu’on demande plus d’argent, mais aussi de certaines zones de police. Le problème, c’est qu’une fois qu’on ouvre la discussion, c’est pour établir de nouveaux paramètres. Or, dans le cadre d’une enveloppe fermée, si on donne quelque chose à quelqu’un, cela signifie qu’on doit le retirer à l’autre…
Les mesures restrictives de liberté prises depuis le début de la pandémie ont mis la police dans une posture très répressive. A quel point cela a-t-il creusé le fossé entre vous et la population?
Durant toute cette période d’importantes restrictions, nous sommes beaucoup intervenus pour sanctionner ceux qui ne respectaient pas les règles Covid. Le travail de l’agent de quartier, par exemple, est devenu très difficile, alors que son rôle est plutôt de prendre des initiatives préventives, un peu à la manière d’un coach. Mais dans ce contexte de pandémie, c’était pratiquement impossible. Les tensions se sont exacerbées et cela a eu un impact sur notre relation avec la population.