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Le roi Philippe en vedette insolite d’une vidéo des Diables rouges: « Le Palais allie audace mesurée et respect de la fonction royale »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Royal soutien aux Diables rouges en partance pour la Coupe du monde au Qatar: pour les besoins d’une vidéo, Philippe de Belgique s’est inhabituellement donné en spectacle en se glissant dans la peau d’un assistant de l’entraîneur de l’équipe nationale. Une vraie petite (r)évolution dans la communication du Palais qui s’essaie à l’humour « décalé ». L’historien Vincent Dujardin (UCLouvain), spécialiste de la monarchie, explique en quoi de l’audace bien maîtrisée peut être payante.

Philippe de Belgique s’est glissé dans la peau d’un assistant de Roberto Martinez pour une vidéo de soutien aux Diables Rouges: il fallait oser?

C’est surprenant. Les Belges, qui ont l’habitude de voir le roi dans l’exercice de ses fonctions, dans un contexte cadré, ont pu un peu le découvrir tel que l’évoquent ceux qui le connaissent, avec ses touches d’humour et d’autodérision. Il n’est pas du tout certain qu’il raffole des caméras mais ici, il donne l’impression de s’être vraiment amusé à prendre part à l’exercice. C’est flagrant dans la séquence finale de la vidéo où son sourire rayonne.

La démarche était sans danger?

Quand vous sortez des sentiers battus, il y a toujours une prise de risque. Dans le cas du roi, le moindre faux pas prend des proportions énormes. Il fallait donc trouver le ton juste, faire preuve d’une audace mesurée mais nécessaire pour être «décalé», tout en sachant où se situait la limite pour ne pas affecter l’autorité de la fonction.

Que ce coup de pouce royal aux Diables Rouges se produise à l’occasion d’une Coupe du monde aussi décriée aurait-il pu poser problème?

C’est la raison pour laquelle aucune référence n’est faite au Qatar. Mais il aurait été anormal que le roi ne fasse rien pour les Diables Rouges en cette occasion, alors que l’équipe nationale participe au rayonnement de la Belgique à l’étranger.

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Ce genre de prestation ludique doit-il être couvert par le Premier ministre?

Non, pas du tout. Il n’y a rien de politique dans la vidéo. Le roi décide aussi seul de ses audiences et de ses visites sur le terrain. Mais il est sans doute de bon ton que le Palais informe le Premier ministre de ce type d’initiative, étant donné qu’il devra la couvrir en cas de critiques. Le roi Philippe n’avait pas non plus demandé la permission d’inviter le DJ Lost Frequencies sur le toit du palais royal (NDLR: à la veille de la fête nationale, en juillet 2020).

Le palais royal qui fait dans l’humour, est-ce une vraie rupture avec le passé?

Il y avait déjà eu quelques précédents sous le règne actuel. Je pense à la vidéo d’une entrevue accordée en avril 2019 par le roi Philippe à l’humoriste néerlandophone Philippe Geubels, qui fête son anniversaire le même jour que le roi et avec lequel il partage le prénom. Mais avec celle consacrée aux Diables Rouges, on franchit, de fait, une nouvelle étape. C’est aller un pas plus loin dans le registre de la communication.

Pourquoi le roi Philippe ne mouillerait-il pas son maillot pour d’autres causes que celle des Diables Rouges?

Quand le roi décide de se rendre dans l’est du Congo malgré les réserves émises par les services de sécurité, c’est aussi pour lui une façon de mouiller son maillot. Même chose dans sa prise de parole sur la question de l’Ukraine ou lorsqu’il déplore les retards dans l’indemnisation des victimes des inondations en Belgique. Mais on se situe là dans des registres très différents.

Quel regard peut-on porter sur l’évolution de la communication du palais?

Sous le règne de Baudouin (1951 – 1993), un service de presse a été créé après des couacs de communication. Et à la fin du règne, la production d’émissions consacrées à la famille royale a été envisagée. Avec le roi Philippe, on assiste à une véritable modernisation de la communication du Palais. On recourt aux réseaux sociaux (Twitter, Instagram, Facebook), on se met à diffuser des vidéos d’activités royales, à l’occasion d’une visite d’Etat ou d’une rencontre avec les Diables Rouges avant leur départ pour la Coupe du monde en Russie en 2018. Se sont ajoutées l’apparition du roi au festival Tomorrowland, des vidéos plus privées comme celle de Philippe pratiquant du kitesurf. On a aussi eu droit à ce concert, annoncé par surprise, du DJ Lost Frequencies sur le toit du palais de Bruxelles. La ligne de conduite allie audace mesurée et respect de la fonction royale.

Vincent Dujardin (UCLouvain).
Vincent Dujardin (UCLouvain). © belga image

Faut-il y voir également la touche personnelle du roi Philippe?

Le roi a certainement apporté sa touche, sachant qu’il s’investit de près dans l’écriture de ses discours. Mais la vidéo est réalisée de manière très professionnelle.

Cette prestation royale en faveur des Diables Rouges est-elle guidée par une intention précise, un calcul, une nécessité?

Tout cela à la fois, à mon avis. Le roi suit l’équipe nationale de football depuis toujours. En tant que prince, il était à Mexico en 1986, lors du légendaire Belgique-Espagne. Mais cette vidéo avec les Diables Rouges, qui fait le buzz en Belgique mais aussi à l’international, avec des articles de presse en Europe et jusqu’en Amérique Latine, ne pourra être que bénéfique pour une institution monarchique qui a besoin de la sympathie populaire.

Le Palais passe aussi à l’offensive dans le registre des prérogatives royales: la nomination d’Alexia Bertrand (MR/Open VLD) au poste de secrétaire d’Etat au Budget a été annoncée par le Palais et non par le parti concerné. Faut-il y voir une reprise en main des règles constitutionnelles ou ce geste est-il anecdotique?

Ni l’un ni l’autre. En fait, la règle était généralement respectée. Tout le monde sait que c’est désormais le président de parti qui choisit ses ministres, mais le prescrit constitutionnel et la coutume veulent que le roi se charge de la communication. La façon dont a été annoncée la nomination de Hadja Lahbib (MR) aux Affaires étrangères (NDLR: par Georges-Louis Bouchez) posait de fait problème. Dans le cas présent, on a donc senti que le Palais a veillé à ce que les choses se passent dans l’ordre.

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