Peut mieux faire !

Et si on parlait  » efficacité  » ? On veut bien que les services publics coûtent cher. Pourvu qu’ils prouvent leur utilité.

Amusez-vous à demander à vos amis s’ils sont d’accord pour diminuer le train de vie de l’Etat. Tous partants, sans exception ! Sondez ceux qui font la queue devant un guichet : chastes oreilles s’abstenir. Passez devant le siège d’un ministère : au spectacle, particulièrement dépourvu d’allure, de ces dizaines de fonctionnaires battant la semelle en tirant sur leur clope, vous-mêmes, sans doute, sentirez poindre un soupçon d’irritation. Votre chéri rentre-t-il de l’école en expliquant qu’il n’a plus de cours de langue parce que  » le professeur est malade « , la veille d’un long congé ? Vous ne résisterez pas à lâcher un poncif du genre :  » Ces fainéants bons à rien, privilégiés et protégés. « 

Faites un autre petit test. Demandez à votre voisin s’il pense qu’il y a trop d’infirmières, de policiers ou d’enseignants. La réponse sera non, et il en faudrait même davantage. Ainsi va la vie : les sentiments, comme la perception de la réalité, n’ont rien de  » scientifique « . Tout est question de présentation. Ainsi, quand un économiste de droite martèle qu' » un salarié moyen ne commence à travailler pour lui-même ( NDLR : autrement dit, il a fini de payer ses impôts) qu’à partir du mois de juin « , il est assuré de provoquer l’indignation contre l’Etat pantagruélique. Mais évoque-t-on la fermeture d’un bureau de poste ou d’une gare ? Levée de boucliers immédiate.

Voilà, entre autres, pourquoi il est si difficile de réformer la fonction publique : il ne s’agit pas d’un simple exercice comptable, mais d’un véritable projet de société. Qui concerne autant les usagers que les fonctionnaires eux-mêmes. Impossible, donc, de s’en sortir avec de  » simples  » compressions de dépenses et du personnel. Il faut, surtout, veiller à augmenter la performance des services publics, la qualité des… services rendus, puisque telle est la condition de légitimité de tout Etat démocratique.

Chers et peu efficaces

Et justement, pour ce qui est de l’efficacité, les services publics belges laisseraient à désirer. La Banque centrale européenne (BCE) a récemment  » coté  » l’efficacité de la fonction publique dans les pays de l’Union européenne. Avec une cote de 100 sur 100, le Luxembourg obtient le maximum. La moyenne européenne est de 79 %. La Belgique, elle, obtient 66 %. Concrètement, cela signifie que si l’administration publique de notre pays voulait être aussi performante que celle du Luxembourg, elle devrait remplir ses missions avec seulement 66 % de ses moyens actuels. Ou conserver les mêmes moyens, mais alors obtenir bien davantage de résultats qu’aujourd’hui. D’accord : la méthode de travail de la BCE, ses bases comparatives, ses objectifs, ne sont pas dénués de toute arrière-pensée idéologique. Mais d’autres études viennent corroborer cette information. Prenez l’enseignement. En Belgique, la part des dépenses consacrées au salaire des profs est très élevée : 75 % (pour une moyenne européenne de 59 %). En revanche, la part du budget consacrée aux équipements et aux bâtiments scolaires est sensiblement inférieure chez nous à ce qu’elle représente dans les pays voisins. Autrement dit, on enseigne dans des bâtiments mal entretenus et avec un matériel insuffisant, mais on multiplie le nombre d’enseignants. Nous avons deux fois plus d’écoles supérieures par million d’habitants que la moyenne européenne, mais où est la performance ?

L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a classé à deux reprises l’enseignement de la Communauté française en queue de peloton pour ce qui est de l’apprentissage de la lecture, des maths et des sciences. Et, comme si cela ne suffisait pas, nous sommes parmi les champions européens de l’inégalité scolaire : un élève issu d’une famille défavorisée sur le plan socio-économique a trois fois plus de chances de se retrouver parmi les étudiants les moins performants.

A la Justice, c’est pareil : le budget des parquets et des tribunaux a augmenté de 20 % depuis 2000. Pourtant, le nombre de nouvelles affaires s’est réduit de 20 % sur la même période : vous avez dit  » problème  » ? L’administration des Finances de l’Etat belge fonctionne avec quatre fois plus d’agents que celle des Pays-Bas et, pourtant, nos voisins bataves semblent plus efficaces. La police ? Ses effectifs, chez nous, sont supérieurs à la moyenne européenne. Tout comme le taux de criminalité. Cherchez l’erreur…

I. Ph.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire