Elle incarne merveilleusement les héroïnes de Mozart, Rossini, Bellini ou Donizetti. Applaudie dans Maria Stuarda en 2008, elle revient à l’Opéra royal de Wallonie dans le rôle de Luisa Miller, oeuvre de Verdi.
Patrizia Ciofi fait partie de la cour des grands. On l’invite à Paris, Milan, New York, Vienne et Londres. L’Italienne a des yeux gris-bleu magnifiques, la voix enchanteresse et dorée d’une authentique belcantiste et cette sensibilité à vif qui met le feu aux planches et les larmes aux yeux. Curieuse et exigeante, se lançant sans cesse des défis et plaçant la barre très haut, elle est l’exemple d’une carrière comme il s’en faisait avant, quand on prenait son temps.
Le Vif/L’Express : Luisa Miller est une prise de rôle. Comment entre-t-on dans un personnage ?
Patrizia Ciofi : Il y a quelques années, le grand metteur en scène d’opéra Christof Loy m’a dit que je devais interpréter Luisa. J’étais dans mon monde du bel canto, je n’ai pas vraiment la voix verdienne, mais la découverte de nouveaux horizons me stimule et je suis ravie de cette invitation à l’Opéra de Liège. J’ai trouvé le livret un peu faible. C’est un opéra de transition, un drame bourgeois, une triste histoire d’amour entre la fille d’un vieux soldat et le fils d’un comte. Je dois trouver le côté dramatique à ce personnage simple. Je le » goûte « , je le cherche, je me laisse envahir par l’histoire pour me sentir plus verdienne. Cela dit, c’est un opéra d’une grande beauté musicale.
La Traviata est votre rôle fétiche. Vous n’avez pas encore épuisé le personnage ?
Je chante La Traviata depuis vingt et un ans. Epuiser Violetta, ce n’est pas possible ! C’est un personnage tellement riche, grand et humain. La Traviata ce n’est pas que du chant, il faut se laisser aller avec elle, il faut vivre et mourir avec elle. J’ai grandi avec Violetta, je change avec elle. La femme et la chanteuse que je suis devenue, c’est grâce à elle. Elle m’a aidée à me comprendre et à comprendre la vie. Je ne peux pas m’en libérer. Le jour où je m’ennuierai avec La Traviata, je dirai » basta » !
Etes-vous attirée par l’opéra contemporain ?
Il y a une vingtaine d’années, j’ai chanté un peu de musique contemporaine. Mais j’ai du mal. J’attends peut-être que la curiosité et le goût pour cette musique émergent. C’est un travail très important et je ne sais pas si j’aurai le temps et l’énergie pour cela. J’ai beaucoup de facilités pour apprendre, mais cela devient moins facile qu’avant.
A l’instar de quelques divas, songez-vous à taquiner jazz, rock ou variétés ?
J’aime le jazz et la pop. Si un jour je ne pouvais plus chanter… Quand la voix change avec l’âge, la variété avec un micro est moins fatigante que l’opéra. L’opéra, c’est du sport ! Il faut maintenir la voix et le corps en pleine forme et en bonne santé. Je pense plutôt au théâtre. Je voudrais être une actrice qui chante ou, si vous préférez, une chanteuse qui joue…
A part l’opéra, quelles sont vos passions ?
J’aime vivre (éclat de rire). J’aime la vie, les gens, le cinéma, le théâtre, la cuisine, la littérature, les vacances en Italie. Je n’ai pas d’enfants, mais je m’occupe beaucoup de ma nièce.
Que trouve-t-on en ce moment sur votre table de chevet ?
Quand je travaille, ce sont les partitions. En ce moment, Luisa Miller et Idoménée que je chanterai à Lille en 2015. Sinon, j’aime les romans. J’aime entrer dans la vie des hommes et des femmes. L’humain m’intéresse beaucoup.
Luisa Miller, de Giuseppe Verdi, à l’Opéra royal de Liège. Du 26 novembre au 7 décembre. www.operaliege.be
Entretien : Barbara Witkowska