Par ici, les députés

Le ministre français de l’Economie s’active pour constituer un réseau d’élus, utile dans tous les cas : éventuelle primaire ou poste de Premier ministre. Des méthodes on ne peut plus classiques pour le trublion.

Le dimanche, chez les Macron, on travaille. Ce 28 février, le ministre français de l’Economie, col roulé et veste en velours, quitte sa maison du Touquet (Pas-de-Calais) avec son épouse, Brigitte. Direction, le nord de la côte. Après quarante minutes de route, le couple arrive à Boulogne-sur-Mer, où l’attend le maire de la ville, Frédéric Cuvillier. L’ancien ministre français des Transports fait partie de ces hollandais de la première heure déçus par le quinquennat. Il veut maintenant que  » ça bouge « , qu’un leader  » transgresse les codes des apparatchiks « .  » Emmanuel est l’atout de ce que la présidence Hollande aurait dû être ou peut encore être « , clame Cuvillier.

Après avoir visité la crypte de la basilique et acheté des macarons, la petite troupe s’enferme dans un bureau de l’hôtel de ville pour discuter de la situation politique.  » Fais gaffe, si on sait que t’es là, ça va jaser, le taquine Cuvillier. C’est ici que François Hollande a lancé sa course vers l’Elysée.  » En mars 2011, Hollande commence en effet sa campagne pour la primaire à Boulogne-sur-Mer.

Emmanuel Macron tisse sa toile, discrètement. Plus de temps à perdre. En semaine, le ministre de l’Economie intensifie les rendez-vous avec des parlementaires, souvent en tête à tête.  » Voyons-nous pour discuter « , écrit par sms le ministre à ses hôtes, avant d’envoyer la date et l’heure des agapes, dans un autre texto. Quand ce n’est pas à midi, c’est au petit déjeuner. Assis à la table de réunion de son bureau, un carnet à la main, Emmanuel Macron demande des éclairages, prend des notes.  » Pourquoi, selon toi, c’est si fragile, actuellement ? « ,  » Comment ça se passe, dans ton coin, l’ouverture du marché des autocars ?  » Un élu s’en amuse :  » S’il voulait vraiment retourner dans la banque, il ne passerait pas autant de temps à faire copain-copain avec la moitié de l’Assemblée !  »

Macron cible tout ce que le PS compte d’orphelins ou d’élus en plein doute. Dans ces échanges, il jongle entre des positions droitières en économie et de gauche sur les questions sociétales, qui conviennent à certains frondeurs.

A l’Assemblée nationale, le ministre papote avec tout le monde, en mode séduction permanente :  » Si tu lui fais un sourire, il te saute dans les bras « , raconte un élu. A tous il glisse, insidieusement, le même argumentaire : sa méthode de travail, celle qui a servi à élaborer la loi pour la croissance et l’activité, dite Macron, repose sur la pédagogie et l’écoute. La seule efficace. Sous-entendu : je suis aux antipodes du Premier ministre, adepte du passage en force constant.  » Démontrer qu’on peut faire des textes concrets, ça signe la méthode Macron « , résume le député PS Richard Ferrand, qui préside une  » mission d’application  » parlementaire, destinée à s’assurer que les administrations traduisent bien la loi en décrets.

Exaspération

Au gouvernement, ce réseautage commence à exaspérer.  » Il ne bosse pas, il se déplace peu, il est tout le temps en train de flatter, c’est tout pour sa gueule, maugrée un ministre. Pourquoi ne le voit-on pas au côté de Myriam El Khomri, la ministre française du Travail, quand elle doit annoncer les mauvais chiffres du chômage, dont il est aussi responsable ?  » Récemment, Macron s’est exprimé dans le Financial Times. Il a expliqué qu’en cas de  » Brexit  » la France n’arrêterait plus les migrants à Calais. Colère de Bernard Cazeneuve. Le ministre de l’Intérieur n’apprécie pas qu’on marche sur ses plates-bandes. Il y a peu, c’est Laurent Fabius qui pestait :  » Il faudrait que quelqu’un lui explique qu’il y a une chose qui ne fonctionne pas en France, c’est l’économie. Peut-être le ministre a-t-il des solutions à proposer…  » Des piques qui n’intimident pas le trentenaire. Etre critiqué, c’est exister. Quand la presse spécule sur son avenir, il se frotte les mains :  » Ça va faire s’agiter les gens autour de nous, dit-il à ses amis. Ça ne peut pas nuire.  »

Marcelo Wesfreid

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