Ottignies-LLN : le pouvoir sous influences

Dans l’ombre du bourgmestre ou en lui faisant de l’ombre, ils ont un réseau et une influence qui en font les personnalités qui comptent à Ottignies-Louvain-la-Neuve. Plongée dans les coulisses d’une commune où l’activité drainée par l’université multiplie les acteurs-clés de la vie locale.

Deux bourgmestres pour une seule entité, le recteur de l’UCL faisant la loi à Louvain-la-Neuve, et le bourgmestre à Ottignies. Chacun restant sur son territoire, tirant les ficelles du pouvoir au gré de ses envies. Et tout le monde est content… Sans doute un brin exagérée, l’histoire qui a longtemps circulé n’est pas non plus tout à fait infondée.  » Il est vrai que l’arrivée du recteur Bernard Coulie en 2004 a renversé certains équilibres et redonné les clés à la Ville « , fait remarquer un observateur de l’UCL.

Il ne faut cependant pas s’y tromper : Ville et Université se partagent toujours aujourd’hui le pouvoir à Ottignies-Louvain-la-Neuve. C’est juste que celui de l’UCL est devenu moins visible. Le développement de la cité universitaire étant pratiquement terminé, l’UCL se recentre davantage sur ses missions de base, l’enseignement et la recherche. Ce qui permet au politique de retrouver une certaine autorité.

A ce jeu-là, il y a un patron indiscutable et indiscuté : Jean-Luc Roland (Ecolo), bourgmestre depuis 2000. Cela fait quinze ans qu’il concentre le pouvoir. Un homme d’envergure, visionnaire, qui privilégie avant tout la concertation, mais qui n’hésite pas à trancher dans le vif.  » Un stratège hors pair, confie ce directeur de l’UCL, qui le côtoie souvent. Il a une vraie vision pour sa ville. C’est le patron et l’homme le plus fiable du collège. Il est un cran au-dessus des autres. D’ailleurs, il est très peu critiqué.  »

Alors qu’un observateur avisé du jeu politique, conseiller de l’opposition, précise :  » Il tient cette coalition car il est intellectuellement au-dessus du lot et fait office de leader incontesté. C’est ce qui fait fonctionner l’alliance entre Ecolo, le CDH et le PS. En 2018, quand il se retirera, comme il l’a déjà annoncé, les cartes seront redistribuées et ce sera une autre paire de manches.  »

La succession se profile

Dans le sillage du maïeur, deux hommes exercent une certaine influence : l’échevin de l’Urbanisme, Cédric du Monceau (CDH), et celui de la Culture et de la Mobilité, David da Câmara Gomes (Ecolo). Ce dernier, véritable bras droit et confident du bourgmestre, prend de plus en plus d’importance. Un successeur en puissance ?

 » Par rapport à ses qualités, Cédric du Monceau pourrait peser bien davantage sur les débats qu’il ne le fait actuellement, note cette personnalité du CDH. Il est trop en retrait sur le plan de l’aménagement du territoire alors qu’il pourrait avoir une réelle influence. Même chose sur le plan économique où il reste très effacé, évoquant de grandes théories mais étant très peu dans l’opérationnel.  » Certains pointent le pouvoir de l’architecte communal, Pierre Juckler, qui dépasserait régulièrement son cadre de compétences et son échevin.  » Il a énormément d’influence, explique ce spécialiste de l’urbanisme. Trop même. On lui laisse beaucoup de libertés, ce qui fait qu’il sort de son rôle, notamment quand il doit remettre un avis sur des projets.  »

Un quatrième homme déploie de plus en plus ses ailes : l’échevin des Sports Benoît Jacob (CDH). L’homme a transformé la politique sportive communale.  » Le jour et la nuit par rapport à son prédécesseur, Annie Galban (PS). Il ne faut pas négliger son pouvoir, même s’il boxe un cran plus bas « , ajoute notre observateur.

Le Cercle du lac,  » the place to be  »

Si l’UCL est un acteur de poids, notamment à travers son bras immobilier qu’est l’Inesu, d’autres acteurs économiques pèsent également dans les débats. Dont l’Intercommunale du Brabant wallon.  » L’arrivée de Baudouin le Hardy de Beaulieu à la tête de l’IBW en 2010 a complètement modifié leur approche par rapport à Louvain-la-Neuve « , note Philippe Barras, directeur de l’Inesu. L’Intercommunale cogère le parc scientifique et vient d’effectuer la plus importante transaction de son histoire en mettant la main sur le parc d’activité Monnet.

 » C’est un acteur qui pèse énormément, enchaîne ce conseiller communal Ecolo. D’autant plus que l’IBW a eu l’intelligence de placer Jean-Luc Roland comme vice-président, ce qui facilite les discussions et la réalisation de ses projets. Il sait de quoi on parle quand on lui présente un dossier.  » Toujours au rayon économique, le patron du club d’affaires du Cercle du lac, Jean Martin, est un homme de poids. Il côtoie patrons et politiques brabançons dans son nouvel écrin situé sur les hauteurs de Louvain-la-Neuve, où son rôle consiste davantage à jouer les entremetteurs.

Gordon Blackman, directeur et fondateur de la société Realco, également président de Mind & Market, une plateforme qui connecte l’innovation et le marché, est un autre homme écouté. Alors que Philippe Pierre, directeur de la Clinique Saint-Pierre, ne doit pas attendre très longtemps pour voir ses demandes satisfaites par le collège communal. Un privilège dont disposait également Yves Leroy, l’ancien directeur du centre sportif du Blocry.

Le pouvoir des habitants

Un niveau plus bas, on retrouve les promoteurs immobiliers. Des acteurs qui comptent dans un paysage brabançon en pleine mutation. Davantage encore dans cette ville qui concentre la plupart des projets d’envergure de la province. A ce petit jeu, Matexi (Bétons Lemaire), Thomas & Piron (Courbevoie) et Eckelmans (Agora) sont ceux qui gèrent les plus grands développements.  » Les promoteurs ont toutes les clés du développement urbain à Louvain-la-Neuve « , persifle ce conseiller communal de l’opposition.

Dans le monde culturel, trois hommes ressortent : le directeur de la Ferme du Biéreau, Gabriel Alloing, celui du centre culturel d’Ottignies, Vincent Geens, et le directeur de l’Aula Magna, Patrick de Longrée. Des hommes chargés de déployer l’offre culturelle de la Ville au-delà des frontières communales. Armand Delcampe (Théâtre Jean Vilar) apparaît par contre en fin de parcours.

Enfin, et c’est une particularité de Louvain-la-Neuve et, dans une moindre mesure, d’Ottignies, la participation citoyenne est importante. A ce petit jeu, l’Association des habitants de Louvain-la-Neuve (AH) joue particulièrement bien son rôle.  » C’est bien simple, quand elle écrit un courrier à la commune, on se coupe en quatre pour satisfaire ses desiderata, témoigne ce membre du collège. Je ne pense pas qu’une autre association d’habitants a autant de pouvoir en Wallonie.  » Car si l’AH épousait lors de la dernière décennie la ligne de la Ville, elle s’en est largement écartée ces dernières années.  » Elle a une tendance à se tourner vers des combats de protectionnisme et de vouloir refermer Louvain-la-Neuve sur elle-même, signale ce membre du collège. Il y a de moins en moins d’ouverture. Ce n’est plus une force de proposition.  »

Ottignies fait quelque peu figure de parent pauvre par rapport à Louvain-la-Neuve : aucune association d’habitants digne de ce nom ni d’association de commerçants influente. La dispersion des moyens de pression ne favorise pas son émancipation.  » Tous les regards du collège sont tournés vers Louvain-la-Neuve, estime ce conseiller libéral de l’opposition. Et le fait de n’avoir aucun contre-pouvoir à Ottignies ne va pas changer leur manière de voir les choses… « 

Par Xavier Attout

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire