Cette exposition-sensation, à Paris, nous plonge dans les fonds marins égyptiens, à la découverte de deux villes englouties : Thônis (dite aussi Héracléion) et Canope. En toile de fond ? Les mystères d’Osiris, mort et ressuscité. L’événement dans la catégorie » musée « .
Mémoire du monde, l’Egypte suscite toujours autant de fascination. Ferment de cette exposition parisienne, les découvertes récentes – d’une portée exceptionnelle – qu’ont livrées les fouilles dirigées par Franck Goddio, star de l’archéologie sous-marine. Immersif et attractif, le parcours – quelque 1 100 m2 – plonge le visiteur dans les eaux du Golfe d’Aboukir.
Acte 1. Les Mystères d’Osiris
La fouille des sites de Thônis et de Canope vont procurer de nombreux témoignages archéologiques (statues, instruments rituels, offrandes cultuelles…) en relation directe avec l’une des grandes énigmes égyptiennes : les Mystères d’Osiris. Cette cérémonie initiatique – perpétuée dans le plus grand secret – commémorait et renouvelait, chaque année, l’un des mythes fondateurs de la civilisation égyptienne. Elle se terminait par une longue procession nautique sur les canaux pour emmener Osiris de Thônis à Canope.
L’exposition ne prétend pas embrasser tous les aspects de ces célébrations. Encore moins d’en révéler toutes les subtilités. Il est d’ailleurs presque impossible pour un public non initié de tout comprendre de ces cérémonies. Mais la rencontre avec les objets permet de ressentir certains enjeux de manière intuitive. Les lumières vibrent. Les verts se mélangent aux dorés pour nous propulser au coeur des profondeurs. Ne manque que le masque de plongée ! Les frises s’animent. Le rendu est fabuleux. Et déjà, une rencontre monumentale : Hâpy, dieu de la fertilité. Un colosse de granit de 5,4 mètres de hauteur qui symbolise le Nil (capable de faire ou de défaire la prospérité de l’Egypte). Cette première partie propose également un astucieux calendrier : le Naos des Décades. Il montre le découpage du temps égyptien avec des mois de 30 jours fractionnés en trois décades de dix jours. Soit 36 décades auxquelles s’ajoutent cinq jours » qui viennent en plus « . Bientôt, un climat sonore peuplé de souffles et d’eau marque la première transition.
Acte 2. De Thônis à Canope
Après la projection dynamique de cartes simplifiées sur lesquelles viennent se superposer quelques repères chronologiques, le parcours nous emmène à la découverte des deux villes – Thônis et Canope – et de leurs activités entre le VIIIe siècle avant notre ère jusqu’à l’engloutissement au VIIIe siècle après J.-C. Soit seize siècles couvrant les époques pharaoniques, grecques et romaines. Cette côte s’est enfoncée en raison de différents événements géologiques (séismes, affaissement des sols, glissements de terrains…).
En 1996, Franck Goddio – archéologue et commissaire de l’exposition – lance un vaste projet de prospection afin de cartographier cette région submergée au nord-est d’Alexandrie. Ses recherches le conduisent à la découverte de deux cités : Thônis-Héracléion et Canope. Deux villes dont les noms furent transmis par les auteurs anciens mais que les archéologues ne parvenaient pas à localiser. » Le voile des mystérieuses cités englouties d’Egypte se levait à chacune des plongées des membres de l’équipe. Progressivement se révélaient à notre regard seize siècles d’une histoire parmi les plus riches du monde méditerranéen. Au fur et à mesure de l’avancée des fouilles, il apparaissait que les cités de Canope et d’Héracléion étaient des lieux baignés d’autres mystères. Les témoignages des anciennes célébrations des Mystères d’Osiris se faisaient en effet toujours plus nombreux […] « , explique le directeur des fouilles.
Dans cette séquence, on a la sensation d’être immergé. Les espaces sont baignés d’images sous-marines et de lumières chargées de limon, de plancton, de poissons, de champs de colonnes et même de plongeurs au travail. L’expérience est totale. Première escale, Thônis (qui n’est autre que l’Héracléion citée par Hérodote). Par centaines, des » grains de lumières » tombent sur le sol. Un dispositif scénographique qui laisse le visiteur plus rêveur que jamais face à ces sites anciens dont il ne connaissait rien. Seconde escale, Canope. Juste avant, un documentaire retrace les grandes étapes méthodologiques de l’archéologie sous-marine et les inventions techniques mises au point par l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM). En effet, depuis le début de ses investigations, l’équipe de Franck Goddio innove, expérimente, s’adapte… que ce soit en matière de prospections, de sondages, de fouilles, de prises de vues sous- marines, de traitements des pièces sortant de l’eau.
Acte 3. Postérité du mythe
En guise de conclusion, la troisième partie confirme l’étonnante diversité des représentations de la légende osirienne et sa pérennité. Elle souligne entre autres l’existence d’analogies, de connivences entre les dieux : le démembrement et le retour à la vie rapprochent Osiris l’Egyptien et Dionysos le Grec. L’exposition revient également sur des fêtes dionysiaques très particulières : les phallophories. Autant de témoignages surprenants que livrent, encore actuellement, les fonds marins.
La plupart des objets sont dans un état de conservation remarquable, protégés du ravage des années et de la mer par une couche de sédiments. Sur les 293 pièces présentées, 250 proviennent des profondeurs. Les autres ont été exceptionnellement empruntées aux musées du Caire et d’Alexandrie. Un sublime catalogue prolonge et enrichit cet événement itinérant qui n’est pas sans rappeler qu’au même moment, le patrimoine archéologique des pays arabes subit – encore et toujours – des assauts dramatiques.
Osiris. Mystères engloutis d’Egypte, à l’Institut du monde arabe, à Paris. Jusqu’au 31 janvier. www.imarabe.org
Catalogue aux éd. Flammarion (248 p.).
Par Gwennaëlle Gribaumont