On ne donnait pas cher de son avenir. On se moquait de son allure. En quatorze mois, Angela Merkel a su faire oublier la victoire à la Pyrrhus qui l’a portée à la tête de la Große Koalition. Entre son parti d’origine, la CDU, et son principal adversaire, le SPD, elle est parvenue, au prix d’une certaine impopularité, à chevaucher un monstre politique unique en Europe. Deux bords opposés – parfois gravement ! – continuent de participer au même gouvernement malgré les calculs, les coups bas ou les arrière-pensées. Une pailleà
Il y a mieux. Dopée par la bonne tenue du Mondial de football, en juin et juillet 2006, das Mädchen ( » la jeune fille « ), son sobriquet, dessine imperceptiblement une nouvelle sorte de leadership. Le leadership modeste. Confrontée à la grande panne de l’idée européenne, Angela Merkel considère, à défaut de redémarrage, que proposition vaut action. Sans tambour ni trompette, elle suggère, avance, déclare, bref s’engage et prend des risques comme il sied à une vraie femme d’Etat. C’est le chemin humble, peut-être la route la plus sûre ; celle, en tout cas, que suivra l’Allemagne, chargée de la présidence de l’Union depuis le 1er janvier 2007. Ce qui n’est pas si mal.
En quelques mois à peine, la chancelière a réussi à esquisser un rapprochement significatif vis-à-vis des Etats-Unis. » Pour moi, le partenariat transatlantique est dans l’intérêt de l’Europe « , a-t-elle ainsi affirmé. Ce n’est pas par hasard que George W. Bush l’a déjà rencontrée six fois et que la première escale de Condoleezza Rice, de retour du Moyen-Orient, cette semaine, se situe à Berlin. A tel point que certains analystes attribuent à la doctoresse Angela la maternité d’une Westpolitik, de même que Willy Brandt avait pu inventer, il y a trente-cinq ans, une Ostpolitik qui s’adressait à Moscou. Dans la foulée, la gouvernante allemande s’est refusée à qualifier Vladimir Poutine de » démocrate impeccable « , comme l’avait fait son prédécesseur, Gerhard Schröder, alors même qu’elle doit rencontrer le maître du Kremlin le 21 janvier ! Il faudrait encore évoquer son engagement à relancer le processus de paix au Proche-Orient, la franchise qui l’a conduite à refuser l’entrée de la Turquie en Europe, sa fermeté dans le dossier des droits de l’homme en Chineà D’où la question qui vient à l’esprit : si Angela Merkel était française, à qui pourrait-elle bien ne pas faire penser ? l
CHRISTIAN MAKARIAN