C’est un bourgmestre relativement serein qui évoque » le » dossier de son maïorat. Déterminé mais à l’écoute, dit-il, des critiques. Quand elles sont fondées…
Le Vif/L’Express : Le piétonnier est devenu le dossier emblématique de la législature…
Yvan Mayeur : Plus qu’emblématique parce qu’il implique un véritable changement de paradigme pour le centre-ville, mais il faut le ramener à sa juste proportion. Ce projet nous coûtera 20 millions d’euros. Alors qu’en quatre ans, on investira 200 millions dans les écoles ou 250 millions pour refaire l’Institut Bordet… Mais la symbolique et la visibilité du piétonnier sont plus fortes.
Pourquoi est-il si important ?
La Ville n’a pas le choix. C’est l’intérêt général des citoyens, des habitants, des commerçants de voir le centre-ville s’améliorer. C’est un enjeu de santé publique et de qualité de vie. L’emprise de la voiture sur la ville rendait la situation intenable. Je ne cherche pas à bannir la voiture mais à promouvoir la multimodalité. Aucun centre-ville n’est adapté au » tout à la voiture « . Nous avons voulu privilégier la relation entre le haut et le bas de la ville et la rétablir entre les quartiers du centre. Est-ce qu’on va résoudre tous les problèmes de mobilité de Bruxelles ? Bien sûr que non, ça, c’est le rôle de la Région. Ils doivent repenser l’usage de la petite ceinture, c’est leur problème.
Vous attendiez-vous à une telle opposition ?
Je m’attendais à ce que les réactions des commerçants arrivent plus tôt. De certains commerçants, car il y en a qui sont très heureux. Mais je ne m’attendais pas à une telle hystérisation du débat. Je ne conteste pas qu’il y ait des commerçants qui éprouvent des difficultés. Mais il faut pouvoir mesurer quel est le lien entre leurs difficultés et le piétonnier. Je suis ouvert au dialogue pour objectiver les choses et apporter des solutions quand c’est possible. Je ne vois pas quel serait notre intérêt à spéculer sur la mauvaise santé de tel ou tel commerce.
N’avez-vous pas l’ambition de rendre le paysage commercial du centre-ville plus haut de gamme ?
Il y a une volonté générale du collège de redynamiser l’activité économique et commerciale. Le centre-ville souffre d’un effondrement depuis 10 ans. Il y a beaucoup d’espaces vides, mal utilisés ou dont le turnover est très important. De nouveaux espaces vont s’ouvrir qui permettront d’améliorer l’offre sans nécessairement chasser ceux qui existent, mais avec l’ambition de les tirer vers le haut. Nous allons aussi nous concentrer sur l’embellissement de l’architecture et de la surface au sol. Pour donner à la ville une allure plus en phase avec l’évolution sociologique de la population. De nombreux projets immobiliers haut de gamme poussent à la gentrification de ce qui était jadis une zone dévolue aux services et à l’administration. Je suis convaincu que, demain, la place De Brouckère peut devenir un deuxième Sablon et retrouver son image bourgeoise d’antan. Le mouvement est en cours.
En attendant, ceux qui n’habitent pas le centre ne viennent plus y dépenser à cause du piétonnier…
Faux ! Ils ne venaient déjà plus. Mais un nouveau phénomène se produit : les gens à haut revenus ne s’installent plus nécessairement en périphérie. C’est un nouveau public urbain. Il faut examiner les choses avec un peu plus de recul et d’objectivité. Il suffit de voir le développement des quartiers du Vismet ou de la place Sainte-Catherine.
Que répondez-vous à ceux qui exigent le retour à deux bandes de circulation sur les boulevards ?
Pas question. On ne reculera pas sur le tracé du piétonnier.
Beaucoup de critiques portent sur la propreté et la sécurité. Que fait la Ville pour y remédier ?
Sur l’insécurité, la situation s’est nettement améliorée par rapport à l’époque où il y avait encore des voitures, elle est moins tendue grâce au piétonnier. Mais les problèmes sont plus visibles qu’avant. Le travail de la police porte ses fruits mais il doit encore être renforcé pour lutter contre certains phénomènes récurrents. La propreté, c’est un autre enjeu : où s’arrête la domesticité que la ville doit offrir aux fêtards ? Il y a un vrai problème de civisme. Mais nous avons décidé de sévir et d’aggraver les sanctions.
Entretien : Philippe Berkenbaum