Obama entre la rigueur et le cour

Réélu par les minorités, les jeunes et les femmes, le président démocrate entend bien que les riches paient un peu plus d’impôts. Son épouse Michelle pourrait l’aider à engranger des avancées sur des sujets de société.

(1) Michelle Obama. L’Icône fragile, par Sophie Coignard. Plon.

On aurait vraiment tort de se désintéresser de la réélection de Barack Obama en croyant que ce dernier ne peut que produire un remake. L’esprit des institutions américaines est tel que le second mandat d’un président sonne pour lui comme un compte à rebours et transforme ses perspectives politiques en jugement de l’Histoire. Loin de se prélasser dans les prérogatives de la fonction en jouant les pères de la nation, le président réélu subit une pression croissante et remet en jeu son crédit avec, parfois, une détermination supérieure – pour le meilleur comme pour le pire. Au cours de son second term, George W. Bush a dû assumer les lourdes conséquences de ses erreurs initiales et affronter de nouvelles épreuves, tout à fait majeures (notamment la grande débâcle bancaire, en septembre 2008). A l’opposé, on a mesuré, durant la campagne électorale de 2012, combien Bill Clinton a semblé auréolé de prestige chaque fois qu’il est apparu au côté d’Obama.

Sans deviser sur les échéances internationales (Bachar el-Assad ne tombera-t-il pas d’ici quatre ans ? Israël restera-t-il immobile face à l’Iran ? Quelle sera la ligne de Xi Jinping, le nouveau leader chinois ? Etc.), qui ménagent leur lot de surprises, le président américain est tenu de se montrer énergique et va avant tout tirer les leçons de sa réélection. Trois éléments clés ont joué en sa faveur : le vote des minorités (noires, mais aussi hispaniques, voir en page 59), la préférence manifestée par les jeunes et la sympathie que lui témoignent les femmes. Trois segments de population qui vont déterminer les grandes orientations du second mandat. Trois jours à peine après sa victoire, le président a prononcé une allocution très significative :  » Nous ne pouvons pas simplement couper dans les dépenses pour revenir à la prospérité… Il nous faut combiner des coupes avec des recettes, cela veut dire qu’il faut que les Américains les plus riches paient un peu plus d’impôts.  » L’Amérique des possédants est prévenue, celle des jeunes et des classes laborieuses, entendue.

Obama interprète clairement sa réélection comme un feu vert accordé à sa politique d’assainissement de la dette publique par la baisse des dépenses et le recours à la fiscalité. Il ne peut pas perdre de temps car, dès janvier 2013, surgit devant lui le premier défi du deuxième mandat, à savoir le  » fiscal cliff  » (falaise fiscale), une masse de taxes qui prendront automatiquement effet au 1er janvier prochain si aucun accord n’est trouvé entre démocrates et républicains. En cause, une série d’allégements d’impôts décidée sous George W. Bush et reconduite pour deux ans, en 2010, par un Obama résigné – qui venait de perdre les élections de mi-mandat. Cette fois, il n’y aura plus de répit ; pour ménager les classes moyennes, il n’y a pas d’autre solution que de faire payer les riches.

L’atout c£ur

L’autre axe concernera les sujets de société, domaine de prédilection de son épouse Michelle, dont on a pu apprécier le rôle décisif durant la campagne. Indiscutablement, Barack a gagné avec Michelle ; ce qui ne sera pas sans conséquence. Pour compenser les désillusions et son indispensable réalisme économique, le président doit maintenant avancer sur des dossiers aussi cruciaux que l’immigration, les m£urs ou l’environnement. Il dispose pour cela d’un  » atout c£ur  » en la personne de son épouse, selon l’expression de Sophie Coignard, auteur d’un passionnant portrait de la First Lady (1). Quand on mesure la carrière poursuivie par Hillary Clinton, on doit s’attendre à la montée en force de Michelle, l' » égale de son mari et celle qui le rend réel « , démontre Sophie Coignard. Une nouvelle fois, et malgré tout, l’Amérique est en avance.

CHRISTIAN MAKARIAN

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