2015 aura démontré que cette énergie n’était pas aussi sûre ni aussi fiable qu’on le prétendait… Mais rien n’est fait pour préparer sa succession, dans dix ans.
L’année avait commencé dans la crainte du black-out et d’une succession de coupures de courant délibérées, région par région. Elle se termine sur une succession de nouvelles qui rendent à l’énergie nucléaire toutes ses couleurs. La transition énergétique annoncée par l’équipe Michel attendra : la Belgique est toujours dépendante du nucléaire à hauteur de 40 %.
Sous leurs quelque 16 000 microfissures, les unités de Doel 3 et Tihange 2, à l’arrêt depuis mars 2014, ont finalement été déclarées inoffensives. Après de longues et laborieuses expertises, elles sont jugées bonnes pour le service. Elles devraient reprendre la production avant la fin de l’année.
Parallèlement, voilà les quadras Doel 1 et 2 relancées pour dix ans alors que la loi de sortie du nucléaire prévoyait leur mise à la pension en 2015. En vertu d’un accord conclu in extremis entre le gouvernement fédéral et Engie (ex-groupe GDF-Suez), ces deux centrales rempilent jusqu’en 2025. La nouvelle est tombée le jour de l’ouverture de la Conférence de Paris sur le Climat…
Dans les rangs gouvernementaux, on avait pourtant laissé entendre que la relance des réacteurs de Doel 3 et de Tihange 2 rebattait les cartes. La ministre de tutelle elle-même, Marie-Christine Marghem (MR), l’avait déclaré au Parlement. Rien n’y fit. L’opposition n’a pas tardé à dire tout le mal qu’elle pensait de cette relance, la jugeant inutile, en stricts termes de production, et incohérente : les partis de l’opposition et les associations environnementales estiment qu’en agissant de la sorte, le gouvernement renonce à tout plan énergétique de long terme et aux investissements à consentir dans les énergies renouvelables. La ministre Marghem a beau dire qu’elle va à présent s’atteler à la mise au point d’un pacte énergétique, son discours porte peu. Dès lors que Doel 1 et 2 sont prolongées de dix ans, toutes les centrales devront fermer définitivement entre 2023 et 2025, ce qui paraît très peu réaliste. Faute d’outils de production énergétique de remplacement. L’idée prédomine, donc, d’une vision à courte vue dans ce dossier.
D’autant que la prolongation est allée de pair avec une négociation strictement financière sur la taxe nucléaire à payer par les producteurs d’électricité. Alors qu’Electrabel et EDF Luminus devaient, ces derniers temps, s’acquitter de quelque 550 millions d’euros au titre de taxe nucléaire, elles ne seront plus redevables que de 200 millions d’euros en 2015 et 130 millions en 2016. Les trois années suivantes, le montant variera mais ne descendra jamais sous les 150 millions, à condition que les réacteurs tournent bel et bien. Electrabel a bien négocié. Dans l’opinion publique, pourtant, on sent que l’énergie nucléaire en a pris un coup, en termes d’image : fissures, sabotage à Doel 4, fiabilité très relative de l’approvisionnement… Le nucléaire a perdu de sa superbe, cette année, en Belgique.
Laurence van Ruymbeke