L’époque du » Far West » immobilier à Charleroi est révolue. Depuis deux ans, aucun grand projet n’échappe à la vigilance de Georgios Maillis, son hyperactif bouwmeester. » On a créé une nouvelle histoire de la ville « , assure-t-il.
Du haut de la tour Centre Europe, depuis son bureau d’architecture baptisé Réservoir A, Georgios Maillis avait déjà une vue imprenable sur Charleroi. Engagé en tant que bouwmeester de la ville fin 2013, c’est lui qui en défend désormais les grandes lignes directrices. Cohérence urbanistique, identité graphique, impact paysager… Entouré par une équipe de trois personnes, il est devenu un incontournable garant du redéploiement harmonieux de Charleroi, aux côtés du pouvoir politique.
Le Vif/L’Express : A Charleroi, certains vous surnomment le » mêle-tout « . Le message du bouwmeester est-il difficile à faire passer ?
Georgios Maillis : Au départ, ce n’était pas facile. Je devais trouver ma place dans un réseau de personnes déjà présentes à la Ville et défendre ma légitimité. D’autant que je n’ai pas de pouvoir ; j’ai de l’influence, c’est tout. Je dois donc réussir à convaincre mes interlocuteurs que ce que je propose est la bonne solution. C’est un travail de persuasion constant, énergivore, mais très sain.
Charleroi a longtemps souffert d’une instabilité politique et économique. Jusqu’à se plier à toutes les exigences des investisseurs privés ?
Au début, c’était le Far West. J’ai souvent entendu dire que l’on pouvait tout faire à Charleroi. Ce n’est pas vrai, et ce n’est certainement plus vrai. On doit faire les choses à travers des processus bien définis, qui prennent en compte la qualité architecturale et l’ancrage avec le tissu urbain. On établit toute une série de règles et surtout, on se concerte pour élaborer le meilleur projet.
Comment se décline cette mission dans les faits ?
On intervient le plus en amont possible. Dès qu’un développeur arrive, on travaille sur la localisation, sur la programmation et sur l’opportunité de mener ce projet à Charleroi. On lui propose en général qu’il mette en concurrence plusieurs architectes. Cela se fait en Flandre et à Bruxelles. Il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas à Charleroi. Pour les projets qui ont débuté il y a plus longtemps, c’est un peu plus compliqué. On doit essayer de les rattraper.
Ces intérêts privés sont-ils conciliables avec la vision de la Ville ?
Il faut négocier en permanence, et résister. De notre côté, on défend l’intérêt collectif. Chaque partie tire la couverture vers elle, mais c’est humain. Les développeurs que je rencontre ont, je pense, compris que mes demandes ne sont pas des caprices. Ils savent que nous travaillons sur un projet de ville bien plus grand que le leur. Finalement, cela les rassure même de voir que l’on s’intéresse à leur projet, dans un cadre plus large encore.
A côté du volet urbanisme, votre cellule travaille aussi sur l’identité graphique de Charleroi. Pourquoi ?
Faire la ville, ça dépasse le seul travail d’un architecte. C’est pour cela que je dispose d’une équipe dont les disciplines touchent toutes à la spatialité. Le premier marché qui a été lancé portait sur la nouvelle identité graphique de Charleroi. Il y a désormais une charte très claire à cet égard. Pour le deuxième, la Ville a fait appel à trois photographes professionnels. Le graphisme a une portée spatiale incroyable, qu’il était indispensable de valoriser.
Avec une attention particulière sur le centre urbain…
Evidemment ! Nous sommes encore une métropole sans coeur. Mais les grands projets qui se dessinent aujourd’hui dans le centre ont bel et bien une vocation métropolitaine. De l’extérieur, quand on arrive à Charleroi, la silhouette de la ville apparaît à nouveau. En fait, on est en train de créer une nouvelle histoire de Charleroi. Une histoire graphique, urbaine et paysagère.
Entretien : Christophe Leroy