Changer les appellations des institutions, pourquoi pas si cela a du sens. Mais pas n’importe quand, ni n’importe comment : ces institutions doivent être garantes de stabilité, être perçues dans leur robustesse.
Les députés wallons viennent donc à leur tour de décider, quelques mois après le gouvernement, de remplacer par Wallonie l’appellation Région wallonne, qui figure toujours dans la Constitution mais renvoie, selon eux, » aux premières étapes de la régionalisation « . De même, en quelques années, la Communauté française est devenue, toujours informellement, la Communauté Wallonie-Bruxelles, puis la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Remplacer Région wallonne par Wallonie ? » C’est heureux, même si c’est tardif, estime François Heinderyckx, professeur de communication politique à l’ULB. On passe en effet d’un jargon institutionnel à la réalité géographique, à quelque chose de proche. » Et Fédération Wallonie-Bruxelles ? » C’est vrai que Communauté française prêtait à confusion (les Français de Belgique ?), et d’ailleurs plus personne n’en réclame la paternité. Il fallait donc sans doute corriger. Communauté Wallonie-Bruxelles, pourquoi pas ? Deux entités qui mettent des compétences en commun. Mais Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est plus dynamique, c’est plus moderne, ça donne l’idée de partage… «
Toutefois, ajoute-t-il, ce n’est pas pour autant plus compréhensible. Quand on parle du bouclage des budgets de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, cela donne l’impression qu’il y a, d’une part, la Wallonie, et de l’autre, la Fédération, comme s’il s’agissait de deux entités totalement différentes, alors qu’elles ont des majorités symétriques, des gouvernements en grande partie composés des mêmes personnes. Par contre, ce n’est pas le cas du tout avec la Région bruxelloise, et la Fédération W-B ne concerne pas les Bruxellois néerlandophones, pas plus que les Wallons germanophones. Pas simple.
Désordre terminologique
Mais pourquoi donc, se demande François Heinderyckx, décider d’adopter les termes Fédération Wallonie-Bruxelles en même temps que s’enclenche la sixième réforme de l’Etat ? Cela embrouille tout, alors que les deux choses n’ont rien à voir entre elles. Les gens ont besoin de stabilité, de continuité, dans un contexte politique et économique général qui est plutôt mouvant, voire inquiétant. » Changer de nom, dit-il, c’est donner une impression de rupture, de discontinuité, c’est démontrer que la stratégie précédente est remise en question. Le désordre terminologique ainsi créé donne l’impression que le projet wallon et le projet francophone changent de cap. «
» Le nom d’une institution, c’est comme celui d’une marque commerciale, poursuit-il : il faut lui laisser le temps de s’installer. S’il y a confusion, alors oui il faut en changer, mais cela représente un risque. Une marque, un logo, c’est un capital, il ne faut pas les remplacer à la légère. » Et il vaut mieux penser à tout. Quand des pubs radio mentionnent le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles à telle manifestation, mais renvoient au site Internet cfwb.be (Communauté française Wallonie-Bruxelles), ça sent l’improvisation. Pareil quand, interrogé à propos de la confection des budgets, le double ministre-président Rudy Demotte (PS) est si peu sûr d’être compris qu’il se sent obligé de parler de » l’institution Wallonie « . De la Région wallonne donc.
MICHEL DELWICHE