Face aux difficultés d’accéder au crédit bancaire, la Ville a décidé de s’adresser aux marchés pour financer les projets d’investissement de sa Citadelle. Une démarche encore peu répandue parmi les pouvoirs publics, qui lui a permis de lever 25 millions d’euros.
S’il n’est pas rare que des personnalités président les » cérémonies de la cloche » au Palais de la Bourse, jamais encore un bourgmestre ne s’était prêté à l’exercice. Le lundi 5 mai, le démocrate-humaniste Maxime Prévot a marqué l’histoire d’Euronext Bruxelles… Même s’il n’était pas tout à fait le premier à faire fricoter sa ville avec le monde financier. Liège l’avait devancé de quatre mois côté wallon, tandis que Hasselt, Gand, Malines, Zaventem et un » pool » de sept communes flamandes (Alost, Bree, Boom, Wachtebeke, Bruges, Lierre et Beringen) avaient tenté le coup en 2013.
Même si elle avait de moins grandes ambitions pécuniaires que ses voisines du nord et du sud, l’opération namuroise a récolté le succès espéré : 25 millions d’euros, qui serviront à anticiper les subsides régionaux censés tomber pour la rénovation de la Citadelle (lire ci-après). Non pas en entrant en Bourse, mais grâce à une émission obligataire.
En temps de crise, il faut savoir se montrer astucieux pour trouver de l’argent. Surtout lorsqu’il s’agit de grosses sommes. » Historiquement, l’ensemble des communes belges sefinançait de manière classique, via des crédits, raconte Jean-Marie Bréban, directeur pour la Wallonie de la branche public & social banking chez Belfius. A partir des difficultés rencontrées par le secteur en 2008-2009, toutes les banques se sont repliées sur leur core business et très peu sont restées actives sur les marchés locaux. Résultat : quand les villes lançaient un appel d’offres pour un crédit, elles ne recevaient parfois qu’une seule réponse ; la nôtre. » S’il s’agissait de quelques millions, pas de problème. Mais si l’on parlait en dizaines, voire en centaines… » Si tout le monde vient chercher 150 millions, il y a un risque qu’on ne parvienne pas à les servir ! »
Il fallut dès lors trouver des alternatives. Les Régions ont déjà sauté le pas depuis plusieurs années. Les communes ne sont pas totalement étrangères au système d’obligations, mais à court terme. Un moyen qui leur permet de financer leur trésorerie en émettant du commercial paper (des titres de créance) à quelques jours ou quelques mois. » La nouveauté, pointe Jean- Marie Bréban, c’est que les villes comme Namur viennent désormais sur le marché à long terme, au-delà d’un an. »
Une gestion irréprochable
Le principe est plus simple qu’il n’y paraît. Via un intermédiaire bancaire, les pouvoirs publics sollicitent des investisseurs privés pouvant placer de l’argent sur plusieurs années (principalement des fonds de pension et des compagnies d’assurance) pour qu’ils leur apportent des fonds pour financer leurs grands projets. Le remboursement s’effectue sur une période et à un taux déterminés.
En l’occurrence, la capitale wallonne a réussi une belle opération. Ses 25 millions d’euros, elle devra les rembourser à 3 et 5 ans, à des taux attractifs : 1,23 % pour la plus courte échéance, 1,70 % pour la plus longue. Des conditions bien plus avantageuses que si elle était passée par un crédit classique. » Cela démontre l’attractivité financière de Namur et la confiance des investisseurs en sa gestion financière « , s’était félicité Maxime Prévot à l’issue de la cérémonie. Le bourgmestre aurait surtout dû remercier l’OLO. Comprenez l’ » obligation linéaire » émise par l’Etat sur lequel se base le système des émissions obligataires et qui est pour l’instant à un taux plancher. Inférieur à l’IRS (interest rate swap), qui est lui d’application dans le monde du crédit.
» La Ville a fait une belle opération parce que l’OLO était plus avantageux que l’IRS, résume Jean-Marie Bréban. L’émission a aussi été effectuée à un moment où il y avait beaucoup de liquidités chez les investisseurs. Si à l’avenir l’OLO décolle d’un coup mais que l’IRS se maintient, cela deviendra moins intéressant. »
C’est cela qui inquiète quelque peu Eliane Tillieux, cheffe de groupe de l’opposition PS, qui se dit » mitigée « . » Je me pose des questions au niveau du timing, puisqu’on sait que la Banque centrale européenne veut relancer la croissance en diminuant les taux d’intérêt. Si le crédit offre le même taux que celui que les autorités ont été chercher en prenant un risque sur les marchés… »
Risque ? Le mot est lâché mais il serait injustifié, selon le banquier. » Namur n’est pas entrée en Bourse, on ne spécule pas avec son argent. S’il y a eu cette cérémonie de la cloche, c’est parce que les obligations ont été « listées », publiées sur Euronext. » Une étape qui n’était pas obligatoire, mais qui offre une certaine visibilité, bénéfique en cas d’émissions futures.
Cette rencontre avec les marchés la force en tout cas à une gestion irréprochable. Contrairement à un crédit classique où le remboursement mêle intérêts et capital, les obligations induisent d’abord de s’acquitter des intérêts, puis de la totalité du capital au bout du délai. Pas question dès lors que les caisses namuroises soient insuffisamment remplies d’ici 3 à 5 ans.
Par Mélanie Geelkens