Olivier Mouton Journaliste

Innombrables dans le monde, de retour en Europe.

Jamais le monde n’a été aussi interconnecté. Fin septembre, il y avait 3,2 milliards d’internautes dans le monde, soit 45 % de la population mondiale. Toutes les économies sont interdépendantes et si les organismes internationaux sont pessimistes pour 2015 et 2016, c’est parce que le ralentissement de la croissance en Chine affecte tous les autres pays. On comptabilise chaque jour 80 000 vols d’avion, soit quelque trente millions par an. Pourtant, les dirigeants de notre planète misent sur le repli sur soi. Et construisent des murs, anachroniques…

 » Il y a un paradoxe apparent entre l’augmentation de la fluidité de nos économies et cette prolifération de murs concrets, en béton ou en barbelés, qui visent à protéger les frontières, mais aussi des murs mentaux et symboliques, regrette l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, sur le site lesmurs.org. Cela nous amène à penser que cette mondialisation n’est pas une ouverture, ni une mise en relation des peuples et des cultures.  » Pas moins de 21 000 kilomètres de murs ont été érigés sur la planète. Les plus célèbres séparent Israël des territoires palestiniens occupés, les Etats-Unis du Mexique pour empêcher les migrations venues du Sud ou encore les Corées du Sud et du Nord en guise de vestige de la guerre froide. Mais ils ont tendance à se généraliser : l’Inde en construit des milliers de kilomètres avec ses voisins du Pakistan ou du Bangladesh, l’Arabie saoudite fait de même…  » La plupart des murs actuels ont surtout une fonction économique. Ce sont avant tout des armes anti-immigration, souligne Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations stratégies et internationales (Iris) à Paris. Voilà le paradoxe du monde contemporain : c’est précisément parce que la liberté de circulation est beaucoup plus grande qu’auparavant que l’on érige ces barrières de séparation.  »

En Europe, on croyait ces vestiges du passé révolus depuis la chute du mur de Berlin, en 1989. Mais en 2015, cette froide réalité s’est réinvitée. Les murs ne sont plus tabous lorsqu’il s’agit de freiner l’afflux de réfugiés. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, a montré l’exemple en érigeant une clôture avec la Serbie.  » Cela doit être lu comme une formidable régression, estime Catherine Gousseff, spécialiste des migrations et directrice du centre franco-allemand Marc Bloch, à Berlin. Surtout de la part d’un pays comme la Hongrie, qui a entamé sa sortie du communisme au printemps 1989 en ouvrant sa frontière avec l’Autriche.  » Fin octobre, l’Autriche a annoncé l’édification d’une séparation avec la Slovénie, au coeur même de l’Union européenne.  » L’érection de barrières ou de murs n’est pas une solution « , a rétorqué Angela Merkel depuis Berlin. Des mots arrêtés par les murs dans la tête de ceux qui les construisent…

Olivier Mouton

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