La Guerre se joue en Défense. Après la boucherie de 1914-1918, les jours du ministre de la Guerre sont comptés. » Psychologiquement, il n’est sans doute pas heureux de continuer à utiliser le mot guerre dans un pays qui en sort « , relève l’historien Michel Dumoulin (UCL). La diplomatie donne le coup de grâce : » Les pourparlers franco-belges en vue de la conclusion d’un accord militaire secret ont débuté quelques jours avant le changement d’appellation. L’accord envisagé étant défensif, le changement de nom traduit le changement d’orientation qui intervient. »
1920, la Belgique passe en mode » Défense nationale « . Quatre-vingts ans plus tard, le socialiste André Flahaut ampute la touche » nationale » pour s’aligner sur ses collègues européens. Les Flamands calent, maintiennent le » Landsverdediging « .
L’Instruction publique repêchée en seconde sess’. 1878 : voulu par les libéraux, un ministre de l’Instruction publique s’aventure sur le terrain miné de la question scolaire. Six ans plus tard, les catholiques ont tôt fait de lui régler son compte. Ils recourent à un tour de passe-passe en ressuscitant le poste en 1907, sous les traits d’un ministre des Sciences et des arts. Les cathos font de la résistance jusqu’en 1932. Le ministre de l’Instruction publique est rhabillé en ministre de l’Education nationale en 1961, puis refait peau neuve en filant vers les Communautés : il sera ministre de l’Enseignement. Jusqu’à ce que Joëlle Milquet (CDH) réhabilite l’appellation Education.
Les Colonies, un pluriel énigmatique. 1908 : la cession par Léopold II à la Belgique de l’Etat du Congo justifie qu’un ministre veille sur ses intérêts. De là à en faire un ministre des… Colonies, c’est voir grand. » C’est un pluriel qui intrigue « , convient Michel Dumoulin. Une thèse tient la corde : » Une sorte de mimétisme a pu jouer. » La France, l’Allemagne, l’Italie ont un portefeuille des Colonies. La Belgique croit se grandir en » usurpant » le titre.
Achille Van Acker, un Premier au charbon. » Achille charbon « , trois fois Premier ministre et ministre du Charbon au sortir de la guerre, peine à faire des émules. Un ministre du Combustible (sic) et de l’Energie ne fait que passer en 1947. Le portefeuille brille même par son absence durant les années 1970, celles des chocs pétroliers.
Tindemans, les Relations extérieures à la mode de Paris. Le ministre des Affaires étrangères faisait partie des meubles depuis le début de la Belgique. En décembre 1981, le CVP Leo Tindemans impose le label Relations extérieures. A la mode de Paris.
La France est alors sous le charme de Mitterrand et de la gauche. » Le socialiste Claude Cheysson prend le titre de ministre des Relations extérieures, jugé plus consensuel et chaleureux « , se souvient Mark Eyskens (CD&V), qui réhabilite, en juin 1989, le titre de ministre des Affaires étrangères. Il y avait aussi, selon Michel Dumoulin, la volonté » d’encourager une meilleure collaboration entre tous les départements ministériels tournés vers l’étranger « .
Ministres sans portefeuille. Leur irruption n’est jamais bon signe. Ils montent en ligne quand l’heure est grave ou la patrie en danger : aux débuts de la Belgique, lors des deux guerres, lors de la Grande Dépression des années 1930, à l’indépendance du Congo.
Afin que ces » pointures » politiques ou techniciens de haut vol puissent consacrer toute leur énergie à assurer la cohésion gouvernementale, on les dispense de gérer un département. Premier à endosser ce costume au XIXe siècle, le libéral Paul Devaux (qui suggèrera de proposer Léopold de Saxe- Cobourg-Gotha comme candidat au trône de Belgique) apprécie peu d’avoir été désigné à son insu. Et met un point d’honneur à refuser d’être payé sans avoir de portefeuille. La pratique s’est perdue. » L’appel à ces sages était devenu aussi excessif que dérisoire « , relève Mark Eyskens. Un luxe superflu.
P. Hx