Millénium même pas mort

Attendu au tournant, le Suédois David Lagercrantz signe une suite efficace de la saga. Décryptage, par-delà les polémiques.

« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort « . A l’instar de l’intrépide Lisbeth Salander, la fameuse hackeuse punky de Millénium, David Lagercrantz, 53 ans tout juste, entend tracer, piercings et tatouages exceptés, son sillon nietzschéen.  » Comme Lisbeth, qui refuse d’être une victime, après une phase d’hébétude, je suis devenu addict aux défis « , déclare l’auteur du tome 4, controversé, du méga-seller du Suédois Stieg Larsson, décédé en 2004. On a tout dit sur le lancement planétaire et paranoïaque de cette suite – les secrets de sa fabrication sous haute surveillance, les millions d’exemplaires escomptés, l’affrontement entre la famille Larsson et la compagne de Stieg, le courroux ou l’enthousiasme des aficionados de la trilogie… Restait à lire l’ouvrage et à rencontrer celui qui a commencé son marathon (six semaines non-stop, de Manchester à New York, Berlin, Amsterdam, Venise…) par la France, fille aînée de Millénium – le succès français a fait office de catalyseur mondial -, et qui (pour calmer le jeu ?) annonce céder une partie de ses droits d’auteur à des associations de promotion de la lecture. Dont acte.

Beaucoup de bruit, finalement, pour un thriller, de facture assez classique, plus qu’honnête sans être génial… Bien sûr, les adorateurs de Larsson crient leur déception à propos de ce Millénium version Lagercrantz.  » Fades  » et  » sans relief « , notent-ils à propos du journaliste d’investigation Mikael Blomkvist et de la prodigieuse et rebelle Lisbeth. Les autres, moins intransigeants, louent la qualité de l’intrigue et saluent la présence d’August, jeune autiste atteint du syndrome du savant ; de son père, Frans Balder, légende des algorithmes avancés ; d’Ed, responsable de la sécurité informatique de la National Security Agency (NSA) ; ou encore de Camilla, la jumelle de Lisbeth, sorte de monstre en jupons, digne fille de son père… Tous férus de mathématiques et petits génies du virtuel et du décryptage. Un domaine que Lagercrantz connaît bien, pour avoir publié en 2009 la biographie romancée d’Alan Turing, mathématicien britannique dont les recherches permirent de casser le code mis au point par les armées du Führer. D’où de nombreuses pages, un rien ardues, sur les modes de piratage informatique et d’autres – longues – incursions dans l’univers de l’intelligence artificielle.

Ce qui ne me tue pas s’ouvre sur le retour auprès de son fils autiste de Frans Balder, qui vient de quitter brutalement une société de haute technologie américaine chargée de protection industrielle. Ayant découvert des malversations compromettantes, il se sent en danger et semble prêt à tout déballer à Mikael Blomkvist, qui a bien besoin, en ces temps de changement de propriétaire, d’un bon scoop. Entre-temps, Lisbeth a, elle aussi, été contactée pour apporter ses lumières sur un probable virus espion. Tandis que ce même jour, dans le Maryland, l’intranet de la NSA est piraté. Le lendemain, Frans est assassiné sous les yeux de son fils. Les hostilités ne font que commencer. La manipulation des données, les détournements mafieux mâtinés de collusion politique, l’espionnage industriel, la surveillance de tous les individus par des Big Brothers incontrôlables… tels sont les dangers agités tout au long de ce thriller à la fois dense et puissant, complexe et efficace.

Et demain ? David Lagrecrantz ne le cache pas, il a abordé avec son agent, sa maison d’édition et la famille Larsson l’idée d’un éventuel tome 5. Mais, il l’affirme avec force :  » Je ne serai pas Stieg Larsson toute ma vie.  » Avant d’évoquer sa passion pour le personnage du turbulent golfeur Tiger Woods. Les paris sont lancés.

Millénium 4. Ce qui ne me tue pas, par David Lagercrantz, trad. du suédois par Hege Roel-Rousson. Actes Sud, 496 p.

Par Marianne Payot

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