Ancien président du comité de direction du service public fédéral Emploi, Michel Jadot estime que le débat autour des allocations de chômage est surtout idéologique.
Le Vif/L’Express : Que vous inspire le débat autour des allocations de chômage ?
Michel Jadot : On est dans le symbole. Car de quoi parle-t-on ? Le montant réservé à l’assurance chômage s’élève à 6 milliards d’euros. Par rapport à l’enveloppe de la sécurité sociale qui fait 80 milliards, ce n’est quand même pas le Pérou ! Cela relativise déjà l’enjeu. Et c’est même moins que les 7 milliards de réduction de la cotisation de sécurité sociale pour les employeurs, dont personne ne parle. A chaque fois qu’on se trouve dans une conjoncture difficile, on reparle de l’assurance chômage. Mais ce n’est pas en la réduisant qu’on va résoudre les problèmes. Tout cela relève de l’idéologie.
Il n’empêche, certains disent que la Belgique est un paradis pour les chômeurs.
En théorie, notre système d’allocations est illimité dans le temps. Mais, dans les faits, on contrôle la disponibilité des chômeurs. Après un an, ils sont tenus d’accepter n’importe quel emploi sous peine d’être sanctionné : plus de 100 000 sanctions en 2010, avec des suspensions temporaires ou définitives des allocations. Oui, le système est illimité mais uniquement pour ceux qui se déclarent indisponibles pour le marché de l’emploi alors qu’ils ne le sont pas et qui donc abusent du système. Mais qu’on les sanctionne alors ! Evidemment, si on restreint les moyens alloués à l’Onem, au Forem ou à Actiris, les abus vont perdurer.
Donc, c’est sur les abus qu’il faut intervenir, non sur les allocations ?
C’est évident. Ainsi, on n’aura plus les réflexes des gens qui citent les cas de » mon voisin chômeur qui travaille au noir « . Notez que ce n’est pas non plus en sanctionnant les quelques dizaines de chômeurs abuseurs qu’on va résoudre le problème de l’emploi.
La dégressivité des allocations serait-elle de nature à dynamiser le marché du travail, comme le prétend la FEB ?
Je suis étonné par cette proposition, car plusieurs types de dégressivité existent déjà. Dans le temps mais aussi en fonction de la structure familiale, selon qu’on est cohabitant, isolé, avec ou sans charge de famille… Résultat, la fourchette s’étale de quelque 1 400 euros pour un chef de ménage qui atteint le maximum du plafond, à 465 euros pour un chômeur en fin de parcours et cohabitant. Si ça n’est pas de la dégressivité… Les partis proposent d’augmenter le montant octroyé durant la première période. Mais moi je me demande si, au final, cela ne coûtera pas plus cher. On aura sûrement brisé un tabou, mais à part ça ?
Le problème ne résiderait-il pas aussi dans ces emplois trop peu incitatifs pour les chômeurs au regard de leurs allocations ?
Il ne faut pas exagérer ces pièges à l’emploi. On prend toujours le cas de l’allocation maximale, qui ne dure qu’un an. Comparée avec le salaire minimum interprofessionnel, la différence n’est effectivement pas évidente. Mais si les gens refusent, ils sont censés être sanctionnés. Et puis, on oublie de dire qu’il y a des avantages pour les travailleurs comme le 13e mois, le pécule de vacances… sans compter qu’avec le temps le salaire augmente, tandis que l’allocation régresse !
ENTRETIEN : FRANÇOIS JANNE D’OTHÉE
» Qu’on sanctionne ceux qui abusent du système «