L’enquête le confirme : le chef d’Al-Qaida serait le commanditaire des attentats suicides de Casablanca
Les enquêteurs marocains affirment que les attentats suicides perpétrés à Casablanca le 16 mai dernier ont bien été téléguidés par Ben Laden.
» En réalité, expliquent aujourd’hui les responsables de la police, nous savions qu’une action terroriste était programmée. Nous avons même déjoué un attentat prévu au début de l’année, mais nous n’avons pu éviter ceux du 16 mai. Notre seule véritable surprise a été l’utilisation de kamikazes. »
La décision de frapper le Maroc aurait été prise par le premier cercle d’Al-Qaida, lors d’une réunion qui se serait tenue en Afghanistan. Ben Laden aurait constitué deux groupes islamiques (le GICL et le GICM) chargés de s’attaquer à la Libye et au Maroc, ce dernier pays étant soupçonné d’être pro-occidental. Deux hommes ont été désignés pour diriger ces opérations : Abou Moussab al-Zarkaoui, un Jordanien proche de Ben Laden, et Mohamed el-Gerbouzi, un Marocain naturalisé britannique et domicilié à Londres. A l’intérieur du pays, des responsables ont alors été recrutés pour former des commandos.
Terroristes sous surveillance
Après le 11 septembre 2001, Zarkaoui a obtenu d’un Saoudien û arrêté depuis à Riyad û 70 000 dollars destinés à financer les actions en Afrique du Nord. Cet argent a transité par la Turquie et l’Italie avant de parvenir au Maroc. Une interception de communication téléphonique a révélé que les terroristes s’apprêtaient à déposer des bombes dans un complexe cinématographique. Ce groupe, selon les services marocains, était sous surveillance au moment des explosions de Casablanca. Mais les membres du commando suicide, recrutés dans le quartier populaire de Sidi Moumen, n’étaient pas connus.
Dans les jours qui ont suivi les attentats, grâce aux témoignages des trois kamikazes survivants, les hommes du général Hamidou Laanigri, directeur général de la sûreté, ont remonté les fils. Malheureusement, le chef du commando, Abdelhak Bentasser, un marchand de chaussures de Fès, est décédé lors de sa garde à vue. Selon les policiers, il aurait succombé à une crise cardiaque, croyant qu’il allait être exécuté.
L’enquête commencera par l’interpellation de 4 000 suspects, dont 838 seront incarcérés. Les tribunaux, saisis très rapidement, condamneront, entre juillet et septembre dernier, 390 personnes : 16 peines de mort et plus de 53 condamnations à la réclusion à perpétuité seront prononcées, notamment celle d’un Français, Pierre Robert, dit » l’émir aux yeux bleus « , qui échappera de peu à la peine capitale. Au Maroc, celle-ci n’est plus appliquée depuis 1993, après l’exécution d’un commissaire de police criminel sexuel.
Auparavant, le Parlement avait voté une loi spécifiquement antiterroriste. Si elle s’avère extrêmement répressive û la garde à vue peut durer douze jours û elle fournit néanmoins, pour la première fois, un cadre juridique à l’action des services de police spécialisés. » Nous avons choisi d’agir dans la légalité, affirment les autorités marocaines, en poursuivant le développement démocratique du pays. »
Jean-Marie Pontaut