Marc De Vos (Itinera)  » Il faut changer la philosophie du système de chômage « 

Le think tank économique Itinera prône la dégressivité accrue des allocations, entre autres mesures. Son directeur Marc De Vos s’en explique.

Vif/L’Express : Vous recommandez une dégressivité accrue des allocations de chômage. Pourquoi ?

Marc De Vos : Soyons lucides. D’ici à cinq ans, 500 000 Belges quitteront le marché du travail pour partir à la pension. Nous sommes en plein  » papy-boom « . Cela signifie que s’ouvre une période de pénurie structurelle de talents. Chez Itinera, nous proposons d’utiliser l’assurance chômage comme un levier à l’emploi et non plus seulement comme un remplacement des revenus du travail. C’est un vrai changement de mentalité. La dégressivité accrue des allocations fait partie de cette philosophie nouvelle, parmi d’autres instruments.

C’est-à-dire ?

Toutes les études montrent que les stimulations financières ont un effet certain. Mais, à côté du volet dégressivité, nous prévoyons un volet progressivité de l’aide individuelle aux chômeurs. L’un ne va pas sans l’autre. Nous considérons que l’accompagnement actuel des chômeurs, même s’il s’est amélioré, est encore insuffisant en termes de couverture et de vitesse. Il manque des moyens financiers pour cela. Il faudrait y affecter les budgets consacrés aux plans d’embauche qu’on sait inefficaces à 70 %. La Belgique est le pays européen qui consacre le plus de dépenses pour la politique d’emploi, mais la manière standardisée dont est utilisé ce budget devrait évoluer vers plus de souplesse et une approche plus individuelle. Enfin, notre objectif n’est pas d’abandonner les gens qui ne peuvent malgré tout obtenir un emploi : pour ceux-là, nous prévoyons un troisième volet destiné à les maintenir actifs, que ce soit via un emploi irrégulier, les chèques-services, un service à la communauté…

Le système de dégressivité n’est-il pas moins efficace en période de basse conjoncture, lorsque les employeurs ont moins de jobs à offrir ?

Oui, mais les statistiques récentes montrent qu’aujourd’hui, en Flandre, les employeurs ont autant de difficultés à trouver des travailleurs qu’avant la crise. Les opportunités sont là. Un exemple : d’ici à cinq ans, 40 % des fonctionnaires fédéraux seront pensionnés. Il faut réagir. Entre autres mesures, la dégressivité des allocations pousse les personnes qui veulent s’installer définitivement dans le chômage à se bouger.

La dégressivité accrue se justifie-t-elle dans un contexte de chômage structurel lié à un manque de formation ?

C’est la raison pour laquelle nous disons qu’il faut davantage investir dans l’aide personnelle. On ne peut développer un volet sans l’autre. Ils sont complémentaires. La formation fait bien sûr partie du volet accompagnement individuel. Je crois qu’il faut aussi amener les sans-emploi à reconsidérer leur carrière de manière plus ouverte. La dégressivité peut y aider.

Pour vous, les allocations illimitées dans le temps se justifient-elles ?

Dans notre proposition, ce n’est plus à l’ordre du jour puisque si la dégressivité des allocations et la progressivité de l’aide individuelle ne suffisent pas, nous prévoyons que soit organisée une activité après une période déterminée. Je suis contre un système de fin de droits aveugle. Laisser les gens tomber sous l’aide du CPAS ou disparaître des radars sociaux pour entrer dans la fraude ou la délinquance n’est bien sûr pas une solution. Nous ne voulons pas pénaliser ou sanctionner les chômeurs. Nous voulons mieux identifier leurs besoins, tout en limitant les abus et en les incitant à plus d’ouverture. Cela leur donnera plus de chances de retrouver un emploi.

ENTRETIEN : TH.D.

 » Il faut davantage investir dans l’aide personnelle au chômeur « 

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