Malheur aux vaincus

J’avais 15 ans en 1944 lorsque j’ai connu la folle journée de la Libération de Bruxelles, mêlé à une population qui n’attendait ce moment que pour se défouler dans la rue en toute liberté. Et pourtant il me reste en mémoire un souvenir nostalgique de la matinée du 3 septembre. Avant l’arrivée des Anglais, il régnait un calme obsédant dans les rues de Bruxelles où quelques badauds observaient en silence la retraite de l’armée allemande. […] A l’avenue Plasky à Schaerbeek, où je me promenais avec mon père, on vit s’arrêter un char allemand Tigre isolé, dont le pilote nous demanda la route de Lüttich (Liège). On le renseigna mais je ne sais ce qu’il est advenu car, plus tard, on entendit des détonations de grenades qui mirent le char en feu.

La vue de cette retraite d’une armée jadis si puissante, me rappela une vision identique en mai 1940, quand je me trouvais en évacuation avec ma mère dans la ville de Dunkerque en feu. Le même spectacle lamentable de l’armée française fuyant de toutes parts en débandade. […]

Je n’ai pu oublier ces deux retraites où les soldats ayant perdu leurs illusions d’une victoire promise ne songeaient plus qu’à sauver leur peau. A ce moment, il n’y a plus d’alliés ou d’ennemis mais seulement des hommes se demandant pourquoi ils doivent tuer d’autres hommes. Et pourtant, ils ont le même point commun, celui d’avoir une mère qui pleurait en les attendant.

Et pourtant, aujourd’hui, le risque d’un autre conflit est réel aux frontières de l’Europe. Les dirigeants ne semblent pas avoir gardé la mémoire du passé où des millions d’hommes sont morts pour rien. Espérons que les cérémonies du centenaire la guerre 14-18 fassent réfléchir nos hommes d’Etat avant qu’il ne soit trop tard.

Je voudrais encore réagir à l’interview de Madame Antoinette Spaak (Le Vif/L’Express du 5 septembre), que je respecte beaucoup. […] L’attitude de sa mère qui a été sauvée de la mort en août 1944 grâce à l’épouse d’un rexiste et qui n’a rien fait pour ce même rexiste au cours de son procès, à la suite duquel il fut fusillé, m’a profondément choqué, même si j’ignore son attitude pendant la guerre. A part les membres de la Gestapo et de la SS, les soldats de la Wehrmacht étaient souvent très corrects avec la population, tout, comme à l’inverse, certains résistants se sont montré indignes à la Libération, surtout vis-à-vis des femmes. Vae victis.

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Claude Pelgrims, Bruxelles

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